Les pertes humaines encourues lors des «vagues» successives de la COVID-19 résonnent longuement dans l’intimité des attachements. Cette résonance tient aussi éminemment aux manières collectives de traiter les morts et la mort. Sans oublier nos conceptions de la raison et des liens sociaux au sein de notre culture, incluant les écarts abyssaux entre groupes populationnels.
Récit 14
« Une crise ne devient catastrophique que si nous y répondons Hannah ARENDT, 19611
« L’écrivain britannique Mary Anne Evans, plus connue sous le nom de Georges Eliot, Il n’y a pas de Solidarité sans pressentiment de Dette réelle et symbolique. (...) Ne serait-ce pas le moindre des engagements — par dette envers ceux qui sont Gérard RABINOVITCH, 20202 |
Avant de nous attarder sur les variations si riches des tombes distinctives (Récits suivants), arrêtons-nous sur l’étrange passerelle qu’a instaurée la crise covidienne, passerelle entre le digne regroupement des restes de générations et les traces individuelles. Notamment.
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Palabres ces temps-ci avec les endeuillées et endeuillés de la COVID-19, cette calamité que l’on veut si âprement laisser derrière nous. Et pourtant. Alors, au cours d’une visite «d’entretien» des tombes, de rafraîchissement estival des végétaux qui semblent en monter la garde, résonne une conversation tranquille sur un banc de cimetière — si basique — tournant le dos à quelques propos velléitaires des changements.
Résonne également l’image en ouverture de cet homme endolori, et pas que de sa structure osseuse, qui traverse le champ symbolique des êtres décédés de la giga-surprise maline et maligne. Lui qui, dans ce grand espace qui paraît non pollué, chercherait son souffle. Peut-être son propre halètement le renvoie-t-il au sort du filet d’air s’amenuisant de plus en plus, pour les victimes de la COVID-19, qui sait?
Le retentissement de la tragédie ne se ressent pas seulement dans le précipité des témoignages, certes ardents dans le sillage proche, ni dans les premiers réflexes cherchant à juguler les perturbations et la détresse. En effet, ces zones de turbulences rebondissent en large part de manières imprévues, et on aime à penser qu’elles soient indicatrices de chemins de civilisation.
Le deuil comme principe vital
Proposition : l’irruption pandémique a mis en relief nos rapports bigarrés à la mort, aux mourants, aux grands malades et aux êtres en deuil. Et, plus généralement, elle nous renseigne sur ces réflexes de recours-parapluie aux pouvoirs à l’allure sécurisante ; et bien sûr, sur nos manières d’échanger, et pas que dans le temps et l’espace.
Le choc fut tel que nous souhaitons légitimement «revenir comme avant.» Pour autant, cette forme de réassurance par l’usage de références connues risque de reproduire à l’identique des pratiques et des réflexes dont les logiques parfois délétères peuvent bien être négligées.
Tout à côté de ce mouvement persisterait le désir d’apprendre de cette épreuve collective, traumatisante pour un grand nombre. Or, apprendre en renonçant avec labeur à des parts de ce qui fut (et à certaines illusions), tel est le merveilleux principe de deuil3. De manière dynamique, la contrainte est «pédagogisée», c’est-à-dire rendue et nommée dans un cadre sécurisant ; elle permet ainsi de se hisser au-dessus de la frustration et du chagrin pour lancer l’imaginaire. Pour articuler la pensée, pas à pas4. Cette dynamique vaut autant pour les petiots que pour les collectivités.
En regard de cet apprentissage, deux phénomènes apparaissent : l’un, microscopique, pourtant partagé mondialement, soit la perte plus ou moins imprévisible d’un proche ; l’autre, macroscopique, touffu mais dispersé dans les molécules de l’air du temps, soit nos conceptions contemporaines de la finitude. Intimement liés, ces deux phénomènes innervent le deuil des êtres, ici, sous une poussée virale violente autant par sa sourde et soudaine ampleur que par son modus operandi, nous laissant d’abord tous désemparés. (C’est déjà un trait du deuil.)
Mourir seul : à ce point, il y a rupture anthropologique
Le premier phénomène renvoie au trépas — ce vieux mot — de l’être aimé. Venant brutalement heurter nos imagos d’une mort calme, si ce n’est lénifiante, les conditions de la COVID-19 auraient été largement déterminantes du deuil d’abord effaré. En effet, à la peine drue liée à la mort d’un être chéri — qui a pu incarner le don de l’amour-philia — , à cette tragédie néanmoins de tous temps humanisante sont venues se greffer la déroute des soins et la sidération inusitée devant l’hécatombe mondial.
C’est donc dans le treillis de ce qui a pu être associé à un chaos que les proches en ont été réduits à se figurer la mort de leur aimé. Est alors remontée de la trame sédimentée de nos inconscients collectifs la figure atavique de la pire des morts : sans recours, en esseulement parfois total et dans l’obstruction respiratoire ; la résolution de cette misère élémentaire absolue fut effective dans les pays riches disposant de la pharmacopée requise, souvent dans un geste technique commandé par le tournis de la frayeur et de la charge, parfois serti d’un mot à l’oreille, d’une caresse, même gantée. Une veuve me confiait : « Au moins, j’ose espérer qu’il est parti en ressentant bien fort que j’étais avec lui... L’infirmière le lui a dit. Mais... » Adieu alors imaginé, à la fois anxieux et consolant. Ersatz, ou pis-aller, ce geste de soignant, furtif salut sur une frange rituelle, «volé» à une présence reconnue, multimillénaire, attentive, patiente.
Le vol, oui, de sa propre trajectoire, cette haute trahison impromptue : lors de conversations dans un parc, au cours des saisons de « couvre-feu », j’ai entendu combien cette cruelle privation due à une perte irrémédiable venait relativiser nos expériences si communes du temps volé. L’interdit de partager avec nos proches, rationnellement admis, a nourri des alluvions psychiques exigeant un sens de l’attente inventive. Nombre de nos contemporains l’ont alors découvert, étonnés de cette plasticité qui se moque des traintrains acquis.
Et pourtant! Pour les endeuillés, s’est érodée cette vertu apaisante d’une mort entourée où le premier concerné, s’il n’y consent, du moins affronte l’incontournable, en variations de la vertu «courage». En son temps singulier dont nous ignorons la rythmie, par-delà nos prétentions prévisionnelles. Dans un soulagement, même incomplet, de la douleur, (souvent appréhendée et alors d’autant plus vive), laissant au moins la capacité de se ressentir non exclusivement en décrépitude, si redoutée. Bref, l’évocation d’une mort éloignée de la déréliction vient universellement alléger la densité de la séparation dans ses désamarres discrètes d’un geste, d’un regard, d’un murmure. Sans le clamer, elle offre un modèle vivace de la force de vivre, reconnue en ses différences, de sa conscience aussi.
Ici, les uns et les autres remontent obligatoirement à une dernière conversation ou encore à cette visite prépandémique dont le caractère essentiel fut peut-être pressenti.
De toutes les manières, se dessine le caractère déterminant des relations biographiques et situationnelles, ces dernières associées à la période variable de la «fin de vie» ; s’y révèle notre ambivalence entre prendre soin, réellement, et la tentation de nous dérober à nos obligations et responsabilités pour nous centrer sur nos «intérêts» à court-terme : ambivalence qu’il importe de toucher, documenter, explorer, alors que faire comme si elle n’existait pas s’avère fort séduisant.
Ne pas être seul à DÉNIER : la dominante culturelle
Un déni vital
Conscience et fuite en avant tendent la main au second phénomène, plus ardu à percevoir et à interpréter : le déni. Fameux, en ceci qu’il est utilisé à tout venant et pas forcément à bon escient ou encore, en guise de jugement hâtif. Le lecteur sourcillera peut-être.
Or, à la base, le déni s’avère un réflexe vital de protection anticipatoire et de défense in situ contre ce qui nous paraît redoutable : ainsi, nous oblitérons à notre insu l’idée de la finitude5, nous n’y croyons pas pour nous-mêmes ; devant celle des aimés, surtout lorsqu’elle fait irruption, l’esprit magique se cabre.
Ce retrait instinctif de la réalité nous fait aménager une zone tampon d’auto-ménagement dans le repli qui aide par la suite à accuser le déchirement et à y survivre : l’incrédulité du «je n’en reviens pas», du «c’est impossible» glisse vers le «faire comme si», justement, l’autre n’était pas tout à fait mort. Advenant que son corps nous soit accessible, on le soigne doucement ; de toutes manières, on «parle à» l’absenté. (Ces conduites sont dénommées «retenue» du mort6 et présagent un tempo assumé du psychisme en deuil.)
Point essentiel, ressentir et agir ainsi implique au préalable une relation affective et engagée, précisément celle qui donne son sens au mot «deuil». (En revanche, ne pas le ressentir ou ne pas agir de la sorte n’est aucunement signe que cette mort ne nous atteint pas.)
Ce déni ponctuel est sain parce que, au creux du sentiment d’invraisemblance, il permet de rassembler nos forces, pour ensuite les concerter avec d’autres : ces présences ouvrent des lucarnes sur la réalité, la rendant alors (éventuellement) moins traumatisante. Le rite y pourvoit symboliquement (On y viendra en une autre saison).
Ce trait important du déni individuel, ponctuel, passager, rejoint l’idée d’une négation précisément défensive des effets atterrants de la mort, comme l’anthropologie le documente pour diverses sociétés. En suivant en cela Louis-Vincent Thomas7, c’est moins la mort «apprivoisée» (P. Ariès8) que l’idéalisation de la mort qualifiée d’«acceptée» qui est remise en question : car est-ce accepter que de négocier la possibilité qu’elle ne soit pas totalement pénible, que de s’ingénier à mille précautions pour amoindrir ses effets, [1] et surtout, que d’articuler des formes d’immortalité? Ces formes de refus symbolique équivalent à résister à la tentation d’abattement absolu.
Dans ces sociétés, comme aussi pour les endeuillés qui se replient pour un temps dans l’hébétude ou la réclamation de l’autre ou encore le silence, il ne s’agit donc pas de déni psychique majeur puisque les traces de la réalité finissent par s’imprégner à titre de destin des uns et des autres. Le « faire comme si cela ne m’abat pas complètement » devient le « faire avec... ». Les conduites humaines des vivants s’en trouveraient alors mieux orientées vers les forces vitales et leur déploiement.
Dès lors, à la différence de plusieurs énoncés actuels sur le deuil individuel, convenons de ceci : le déni provisoire dans le repli, et puis ce vertige d’être abandonné, peuvent être accompagnés de sursauts de colère ; singulièrement, dans l’épreuve pandémique, ce vertige fut zébré d’incompréhensions du caractère impitoyable de la cause précipitante de cette mort. S’y joint le sentiment, en soi si douloureux, d’injustice, notamment eu égard aux parcours existentiels de celles et ceux ainsi emportés.
Déjà, ce deuil-là s’établit en saillie en regard des deuils que chacun a pu expérimenter. Ainsi, les effluves du déni ponctuel ont pu s’attarder d’autant plus que la suspension (relative) des rituels sociaux d’accueil de la mort9 y a contribué en cette période.
Or, cette lacune rituelle, si elle fut passagère et un tant soit peu réparée par la suite, n’augure pas non plus de troubles de parcours puisque d’autres «facteurs» de protection émanent de la crise : ainsi, le temps collectif suspendu de l’incertitude devant le virus — et nos manières d’en découdre — , a priori déstabilisant, a pu offrir une analogie avec le temps du deuil ; concrètement, il a dégagé pour d’aucuns un temps de disponibilité à l’écoute et aux silences de tous ordres. De ceux déshabités de l’autre. Cherchant un refuge qui fera venter du sens non entièrement prescrit ou même suggéré, comme le secrète toute expérience inusitée, comme l’évolution humaine nous l’enseigne au travers des tragédies, ou simplement, des «dérangements».
Un déni vaporisé dans l’air du temps, structurel
Qu’est-ce qui contribue néanmoins à la confusion et au dépivotement de l’être en deuil, hors les facteurs directs psycho-sociaux, jamais entièrement mesurables ou formulables, théorisables? Ce sont les charnières amples et non évidentes entre l’individu souffrant et ce qui, culturellement, oriente aussi en bonne part les sources de sa souffrance, les accroît parfois et lui suggère des réponses plus ou moins appropriées, du type performatif « tu vas passer au travers des étapes », ou pire, « là, il est temps de tourner la page ».
C’est là que le déni, cette fois structurel, vient imposer sa subtile massivité. Et ce, vu qu’il est emmaillé à un système et, en prime, condition de sa reproduction avec ses larges parts mortifères. Comment? Dans l’évitement systématique non seulement de la mort et du deuil comme tels, mais singulièrement de leurs effets, en faisant tout bonnement comme s’ils étaient négligeables — je le décrirai à l’instant. Ce déni de la mort et de ses liens avec les dynamiques du vivant, cette thanatophobie, génèrent non seulement la déliquescence de la pensée, mais des conduites délétères dans un système qui les valorise plus ou moins subtilement. Autrement dit, effacer la mort comme épreuve structurante de notre sens des réalités génère des conditions de mort forcément iniques et dévastatrices10.
(Ce refus réflexif fut manifeste chez beaucoup de média dans leur résistance à associer la COVID-19 à une analyse, même minimale, du statut global de la mort dans notre culture.)
Plus précisément, deux figures contribuent à ce «faire comme si» la finitude était inexistante ou en tout cas, banale.
⦁ Figure #1 de déni structurel : normaliser à tout crin, surtout en gouffre d’insécurité
La première figure de notre élégant déni des rapports à la mort s’inscrit dans le paradoxe. D’une part, on cherche à l’éviter au maximum dans un relent chronique de pensée magique propre à la fantasmagorie enfantine : on se raconte des histoires de non-mortalité, comme un des résultats du merveilleux fantasme de toute-puissance. D’autre part, comme on ne peut toujours en éviter l’occurrence, on inscrit la mort dans une nouvelle convention. Cette dernière vaut le détour.
En effet, on peut s’accrocher à l’évidence positiviste («le concret» vérifiable) comme si celle-ci monopolisait le sens de la vérité11. On hausse les épaules : « Que voulez-vous, c’est notre sort, il faut bien mourir », ou encore : « Tu ne penses pas que, à son âge, c’est dans l’ordre des choses de disparaître [sic]? Elle a fait une bonne vie...». L’évidence pragmatique, positiviste, est ainsi doublée de cette évidence naturalistique qui consiste à l’occasion à pérorer que « la mort fait partie de la vie »... Cause ainsi lestement entendue.
En fait, ces arguments oblitèrent ingénument (?) autant la réalité dansante des liens tissés entre vivants que la symbolique de leur élaboration au cours de l’existence, d’aspérités en tranquillités. Ils déqualifient en conséquence l’unicité d’une peine. Et bien sûr, ils renforcent l’indifférence à l’endroit de la mort comme puissant et mystérieux levier de culture. En effet, — le savons-nous assez? —, c’est la conscience de la mort et le désir implicite d’en limiter les effets dévastateurs qui fondent tout acte de création, d’institution, de projection, de mise en liens, donc de vie de l’esprit, et ce, quelles qu’en soient les époques et les cultures de référence. Bref, le désir d’immortalité!
Alors, dans la foulée d’une dé-réalisation si prisée, si on ne se rive à la mort que comme traumatisme?
Tout de go, on peut s’empresser de changer de «sujet».
On peut aussi révéler (sans le savoir) cette dramatisation en évoquant systématiquement la peur, évocation devenue quasi-convention. Dans ce cas, elle est souvent refusée, clamant qu’elle ne nous toucherait pas[1] , nous qui aurions « réglé nos comptes avec LA mort [sic]). » Ou, de la même eau, mais peur donnée comme dépassée, et du coup, mort à «accepter» (rebonjour la néo-religion).
Nous sommes alors en pleine dénégation, variante du déni, par laquelle on reconnaît l’existence d’une émotion, mais surtout pas pour soi, alors qu’elle est bien décelable. Chez les êtres qui privilégient mine de rien la dénégation, les sentiments pénibles ou complexes sont refoulés : ils sont systématiquement attribués aux autres. Bravade disqualifiante que les êtres en deuil reçoivent comme un coup au cœur supplémentaire, cherchant des soutiens individualisés, parfois professionnels, parfois sur des sites web-champignons à la compétence souvent autoproclamée. Ou encore, doutant même de la légitimité de leur souffrance, la reléguant au rayon déjà encombré de nos refoulements sous égide du paraître, dans le courant effréné de «la vie». «Passer à autre chose», oui.
Le roulis pandémique n’y échappe pas. C’est que, dans cette réalité, nous avons assisté à un mouvement qui reposait lui aussi largement sur ce déni structurel bien incrusté, perçu comme allant de soi, naturalisé. Et qui a pu accentuer le sentiment de « parcours du combattant ». Comment? Les données épidémiologiques tombaient die, dans une vilaine surenchère identitaire-territoriale. Ce que je souligne plus haut d’une forme excessive de normalisation (pourtant codification basique et incontournable du vivre en société) ne fut pas toujours accompagné de propositions de dépositions du chagrin ou de sa simple reconnaissance de la part des pouvoirs publics à l’endroit des proches atterrés. De suivis de mémoire institutionnelle active. Ces proches ont noté, gênés. Peine supplémentaire.
Et le pari éducatif, responsabilité foncièrement collective, des quartiers aux régions, et aux États?
Par la force des choses — de l’impensé —, la médiatisation, à la fois incontournable et redoutable véhicule idéologique, a pu conduire à ceci : une habituation statistique menant à la désensibilisation eu égard aux détresses, alors encore davantage reléguées dans l’antre du privé. Cette médiatisation cherchait — et cherche toujours — son allure et son ton : elle a souvent préféré le mode dramatique d’une mise en scène formatée, profitable pour d’aucuns ; elle cherchait par contraste dit empathique à compenser l’information qui venait réitérer les spectres de nos angoisses devenues à fleur de peau. Comment? Par des anecdotes déchirantes ou par la dramatisation du vécu du deuil, souvent déclaré impossible, dans une irresponsabilité intellectuelle (à l’occasion, «d’experts»12), qui peut laisser pantois.
Cela aussi, des deuilleurs lésés d’actes essentiels de transmission au long cours l’ont noté. L’évitement prend ici les formes du spectaculaire émotionnel sans lendemain ou encore de l’onctuosité des trucs pour s’en sortir.
Mais pourrait-on au préalable y entrer?
C’est justement parce que nous vivons dans une ère où le déni avance... masqué.
⦁ Figure #2 de déni structurel : réduire la mort à son avènement
La seconde figure de déni structurel oblitère systématiquement ce qui provoque la mort, ses causes lointaines. En ceci, elle cantonne habilement la mort aux affects individuels et à ce qui entoure sa survenue et qui serait prétendument dénué de déni, tant on en jase. C’est confondre tabou et déni (point ici non développé). Or, le déni percole dans notre rapport général à la mort et dans son corollaire, la protection et l’amour du vivant. Le déni n’est jamais que de la mort. Il concerne la complexité des rapports entre la vie et la mort.
Là, le monstre se mord la queue : de loin en loin, ce qui a contribué grandement à la création virale, c’est la gloutonnerie de l’anthropocène, mieux reflétée depuis le début de 2020, précisant l’enchaînement causal menaçant le système Terre : déforestation, agriculture extensive et intensive, confusion territoriale des espèces et réduction de leurs diversités, exploitation jusqu’à plus soif, surenchère sur les restes...
Le déni? Il tient dans le refus de considérer la volonté de mainmise et d’emprise, voire de contrôle absolu, délétère, contrôle qui devient l’impensé de notre époque : il carbure au marketing du plaire, à l’enflure quantitative tous azimuts, au formatage des plaisirs instantanés. Le tout, en gommant les incohérences prévalant « entre les babines et les bottines » (comme on dit au Québec) dans un discours enrubanné de personnalisation, pour ne pas être sujet à caution, et ce, y compris dans la sphère funéraire. Malaise, en prime, brumeux.
Il ne fallait surtout pas évoquer cette dynamique du mortifère mollement convenu, car plane le jugement catégorique, lapidaire, d’une culpabilisation : dans les cris affolés sur le soi-disant absolu-inédit, il fallait taire, par exemple, ce à quoi les cosmogonies anciennes attribuaient les maladies, famines et épidémies : non pas uniquement au mouvement des astres ou au châtiment divin, mais bien aux déséquilibres entre nature et présence humaine, lesquels, par conséquent, s’avéraient affligeants mais remédiables... Or, en 2020-2022, par réflexe de déni de l’obstacle, en présumant de l’accablement de nos ultra-sensibilités individuelles et victimaires, il ne fallait surtout pas en remettre. On tient là ce à quoi s’adosser : esquiver l’exigence de pensée demeure la clé de voûte de l’architecture persuasive du déni.
À l’avenant, il en va de la genèse du SRAS-CoV-2 comme de la genèse d’une part du magma émotif du deuil : l’obligation commandée et internalisée de se dédouaner comme humanité. En fait, notre époque est passée maître dans l’art de dénier que nous soyons partie prenante, acteurs et chevilles ouvrières de la tangente délétère du sort commun, notamment dans des dérèglements de plus en plus phénoménaux. Les injustices qui en découlent ne sont pas que matérielles. En effet, par maints comportements à la fois odieux et sournois, ces iniquités génèrent des morts symboliques, ces érosions remarquables du désir de vivre, bien avant le terme existentiel : intimidations, indifférences calibrées, petits arrangements entre dominants, exclusions qui chapeautent tant de discriminations.
Avec le résultat que nous n’apprendrions que bien peu, et entre autres, que nous ne saurions pas puiser dans la puissance de la culpabilité. Hors des religions (certaines l’ayant subtilisée comme levier de croyance et abandon du libre-arbitre personnel aux mains d’une autorité engoncée), la culpabilité marque l’exigence d’une conscience morale : alors, dans l’inquiétude et le partage, elle nous fait explorer nos errements et erreurs inévitables ET évitables. Cet examen des ressorts inconscients de la culpabilité génère la responsabilité, qui nous fait regarder en face autant les visages et les villages que les paysages.
Les cris de tous les corps.
Autrement, si nous n’affrontons pas ces formes délétères, comment prévenir celles qui sont évitables (du moins provisoirement), comment surmonter l’épreuve de cette limitation que demeure la mort et la dépasser?
Conclure : l’heureuse perte de l’indifférence
Affronter? Accueillir la légitimité des tremblements, incluant les mises en doute des nonchalances et consumérismes collectifs. Se tenir loin des poncifs largement ignares et surfant sur la vague des modes et des gadgets du deuil saucissonné, qui édictent notamment que le contraire du déni est l’acceptation.
Acceptation de la mort? Leurre et pari surhumain, déjà, et sans égard au contexte pandémique. Il suffit largement d’accepter la complexité des affects que la mort suscite. Et ensuite, de les examiner. Or, examiner n’est pas qu’ardu, le fait même de se mettre en chemin dans un effort réfléchi peut nous ravir tout autant que ce que l’on en découvre. En ce sens, le deuil nous change parce que deuiller, dans ce qui en constitue les actes, c’est fondamentalement accepter l’étrangeté d’un processus. Et changer n’est pas toujours aisé à énoncer, encore moins spectaculaire.
Cela se ressent dans la poignée de mains, dans les choix de délestage autant que dans la suite des choses. Ainsi s’engager dans un sillon créateur que l’autre privilégiait demeure peut-être l’hommage le plus probant. Une manière de métaboliser les afflictions, les nôtres, intimes, en lien avec celles des autres au loin, comme au coin de la rue, car nous sommes des êtres de civilisation.
Le deuil se porte mieux de les rencontrer.
Ces temps-ci, sous les arbres et arbustes en fleurs. Sous la jubilation des regroupements humains ébahis. Sans oublier : musiquer et réfléchir savent se tenir par les coudes.
Luce DES AULNIERS, professeure émérite, UQÀM
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Notes
- ARENDT, Hannah. 1989 (1961). La Crise de la culture, trad. ss. dir. P. LÉVY, Paris, Gallimard, 380 p. : p. 156.
- RABINOVITCH, Gérard, Délibéré, Les temps qui courent, 1, 31 mars 2020 (19, 27 mars).
http://delibere.fr/les-temps-qui-courent-1/. Voir les quatre publications de ce journal de la pandémie. - Dès 1976, Michel HANUS a travaillé cette idée féconde d’aptitude au deuil, pratiquée dès la prime enfance, et plus précisément dans (1993). Les deuils dans la vie, deuils et séparations chez l’adulte et l’enfant, Paris, Maloine, 424 p. Inspiré des travaux de Freud et des psychanalystes Donald WINICOTT (1896-1971) et Mélanie KLEIN (1882-1960).
- Olivier REY. (2006) Une folle solitude. Le fantasme de l’homme auto-construit, Paris, Seuil : 33 et ss. Voici :
« Si on ne perd pas de vue que le symbolique a pour première fonction de civiliser une perte, celle de la complétude fusionnelle, de rendre supportables l’absence, le manque, le vide, de sorte qu’ils ne soient pas destructeurs et anéantissants, on mesure que le symbolique a nécessairement à faire avec le négatif. Par son entremise, le négatif ne se présente pas sous la forme brutale de l’impossibilité, devant laquelle il faut plier, mais sous la forme civilisée et, quoi qu’on en dise, beaucoup moins traumatisante, des lois et des interdits que le sujet est appelé à respecter. Le sujet n’est tel, précisément, que d’être confronté à des lois et des interdits, quitte à en concevoir de la culpabilité, et non à de purs obstacles matériels, qu’il ne ferait que subir. Le grand malentendu actuel concernant lois et interdits consiste à concevoir ceux-ci comme la simple résultante de tractations entre les revendications individuelles d’une part, les exigences de la société d’autre part. Cette opposition ignore le fait que, avant de contraindre l’individu, lois et interdits lui permettent d’être – en tant, encore une fois, qu’ils organisent la perte, constitutive du sujet et du lien social. L’interdit n’est pas, en premier lieu, un instrument de coercition. Il est le répondant symbolique d’une impossibilité structurelle, la transposition d’un état de fait en un fait de parole. Il est là pour faire passer du “tout est possible” fantasmatique aux limitations imposées par la réalité, autrement que par un heurt empirique et bestial à la résistance des choses. Il est là pour donner sens au négatif, et par là le rendre acceptable, à défaut d’être agréable. »
En cela, quelques récriminations reliées à la COVID-19 et ses mesures sanitaires révèleraient une conception de la liberté bétonnée et myope à l’intérêt public, dans son cocon d’hyper-centration individualiste. - FREUD, Sigmund [1856-1939] : « La mort (...) est irreprésentable et aussi souvent que nous en faisons la tentative, nous pouvons remarquer qu'à vrai dire nous continuons à être là en tant que spectateur. C'est pourquoi dans l'école psychanalytique on a pu risquer cette assertion : personne au fond ne croit à sa propre mort ou, ce qui revient au même : dans l'inconscient chacun de nous est convaincu de son immortalité. » [Freud emploie « immortalité » au sens d’«a-mortalité», à savoir non-mort], in CRÉPON, Marc, DE LAUNAY, Marc (2010). Anthropologie de la guerre, Paris, Fayard, Poche, [Trois grands textes de Freud traduits et commentés notamment au plan contemporain : Malaise dans la civilisation, Considération actuelle sur la guerre et la mort, Pourquoi la guerre (lettre à A. Einstein)], 370 p.: p. 32.
- Voir DES AULNIERS, Luce (2020). Chapitre 3, Le Temps des mortels. Espaces rituels et deuil, Boréal, 345 p.
- Louis-Vincent THOMAS, dès la parution de Mort et pouvoir (1978, Paris, Payot, 224 p.), a nuancé la question du déni en questionnant ses dynamiques et dans une perspective interculturelle, intersectorielle. La spécification conceptuelle dans l’axe déni-amortalité et dans celle de négation-immortalité est issue d’une discussion avec Luce DES AULNIERS (à laquelle j’ai déjà référé : «Cette brèche à colmater ? Ruptures entre la vie et la mort et tentatives d’intégration», ss. dir. J. DUFRESNE, Le chant du cygne. Mourir aujourd’hui, Montréal, Méridien, 1992, 314 p., pp. 77-192. Et Frontières, Vol. 4, no. 3, Hiver 1992, pp. 5-11.
- Philippe ARIÈS (1975, Essai sur l’histoire de la mort en Occident, Paris, Seuil, 214 p.) et par suite a insisté sur la mort «acceptée» en tant qu’elle soit «apprivoisée» (je reviendrai sur cette argumentation historique) avec le résultat que plusieurs commentateurs ont utilisé cet «autrefois» comme jauge des cultures actuelles, oubliant l’ensemble des facteurs contribuant à cette attitude. Incidemment, le terme «apprivoiser» prouve bien en creux qu’il y a quelque chose de redoutable. Et quiconque apprivoise sait d’expérience que persiste un certain fonds irréductible.
- Les observateurs du fait funéraire auront noté ce paradoxe : l’affaiblissement apparemment bon enfant de ce qui constitue le rite funéraire, prépandémique, ET ensuite, au cours de la pandémie, les hauts-cris sur son caractère non plus tant privé que privatif de reconnaissance sociale, le réclamant comme condition essentielle du deuil. Outre les réalités que je ne peux ici développer, simplement au plan des stratégies inconscientes, questions : par défaut, révélation abrupte de cet incontournable humanisme psycho-culturel qu’est la ritualité? Manière de signifier en différé le caractère vital de la vie culturelle, du geste symbolique, les deux si mis à mal, c’est le moins qu’on puisse dire, dans la «gestion» de la pandémie?
- En sus de ce qu’en expose O. REY (note 4), le refus de toute limitation n’est pas qu’indice de l’oblitération de la finitude et vice-versa. Il crée une illusion de non-souffrance à court-terme, certes, mais en prime : par une fuite en avant, il instaure en cascades le recours à des procédés sélectifs (ex. les fausses nouvelles), la pensée dissociative, l’usure artificielle plus ou moins consentie des êtres et des collectifs, l’affamement de populations et leur exil, et... l’aveuglement meurtrier. Voir entre autres : ZIEGLER, Jean (2019) (Dialogue avec D. LAFAY). Les murs les plus puissants tombent par leurs fissures, La Tour-d’Aigues, De l’Aube, 80 p.
- Dans les domaines de la vie sociale, le raisonnement holistique semble avoir cédé sous le poids de la raison instrumentale, techniciste, amarrée à l’économisme : tout doit servir et efficacement, être vérifiable et mesurable. Quid alors de la philosophie, de la musique, de la poésie, de la spiritualité?, de toutes ces ondes impalpables?
- Sur les obligations sectorielles, qui, à la correspondance des disciplines universitaires, qui, au décompte des parutions publiques, à l’instar des quantité d’articles, pour «monter» un dossier de subventions, tel que requis par les vitrines des institutions. Cela dit, il peut s’en échapper de réelles compétences.
Tous les soulignés des citations sont de l’auteure.
ARENDT, Hannah. 1989 (1961). La Crise de la culture, trad. ss. dir. P. LÉVY, Paris, Gallimard, 380 p. : p. 156.
RABINOVITCH, Gérard, Délibéré, Les temps qui courent, 1, 31 mars 2020 (19, 27 mars).
http://delibere.fr/les-temps-qui-courent-1/. Voir les quatre publications de ce journal de la pandémie.
Dès 1976, Michel HANUS a travaillé cette idée féconde d’aptitude au deuil, pratiquée dès la prime enfance, et plus précisément dans (1993). Les deuils dans la vie, deuils et séparations chez l’adulte et l’enfant, Paris, Maloine, 424 p. Inspiré des travaux de Freud et des psychanalystes Donald WINICOTT (1896-1971) et Mélanie KLEIN (1882-1960).
Olivier REY. (2006) Une folle solitude. Le fantasme de l’homme auto-construit, Paris, Seuil : 33 et ss. Voici :
« Si on ne perd pas de vue que le symbolique a pour première fonction de civiliser une perte, celle de la complétude fusionnelle, de rendre supportables l’absence, le manque, le vide, de sorte qu’ils ne soient pas destructeurs et anéantissants, on mesure que le symbolique a nécessairement à faire avec le négatif. Par son entremise, le négatif ne se présente pas sous la forme brutale de l’impossibilité, devant laquelle il faut plier, mais sous la forme civilisée et, quoi qu’on en dise, beaucoup moins traumatisante, des lois et des interdits que le sujet est appelé à respecter. Le sujet n’est tel, précisément, que d’être confronté à des lois et des interdits, quitte à en concevoir de la culpabilité, et non à de purs obstacles matériels, qu’il ne ferait que subir. Le grand malentendu actuel concernant lois et interdits consiste à concevoir ceux-ci comme la simple résultante de tractations entre les revendications individuelles d’une part, les exigences de la société d’autre part. Cette opposition ignore le fait que, avant de contraindre l’individu, lois et interdits lui permettent d’être – en tant, encore une fois, qu’ils organisent la perte, constitutive du sujet et du lien social. L’interdit n’est pas, en premier lieu, un instrument de coercition. Il est le répondant symbolique d’une impossibilité structurelle, la transposition d’un état de fait en un fait de parole. Il est là pour faire passer du “tout est possible” fantasmatique aux limitations imposées par la réalité, autrement que par un heurt empirique et bestial à la résistance des choses. Il est là pour donner sens au négatif, et par là le rendre acceptable, à défaut d’être agréable. »
En cela, quelques récriminations reliées à la COVID-19 et ses mesures sanitaires révèleraient une conception de la liberté bétonnée et myope à l’intérêt public, dans son cocon d’hyper-centration individualiste.
FREUD, Sigmund [1856-1939] : « La mort (...) est irreprésentable et aussi souvent que nous en faisons la tentative, nous pouvons remarquer qu'à vrai dire nous continuons à être là en tant que spectateur. C'est pourquoi dans l'école psychanalytique on a pu risquer cette assertion : personne au fond ne croit à sa propre mort ou, ce qui revient au même : dans l'inconscient chacun de nous est convaincu de son immortalité. » [Freud emploie « immortalité » au sens d’«a-mortalité», à savoir non-mort], in CRÉPON, Marc, DE LAUNAY, Marc (2010). Anthropologie de la guerre, Paris, Fayard, Poche, [Trois grands textes de Freud traduits et commentés notamment au plan contemporain : Malaise dans la civilisation, Considération actuelle sur la guerre et la mort, Pourquoi la guerre (lettre à A. Einstein)], 370 p.: p. 32.
Voir DES AULNIERS, Luce (2020). Chapitre 3, Le Temps des mortels. Espaces rituels et deuil, Boréal, 345 p.
Louis-Vincent THOMAS, dès la parution de Mort et pouvoir (1978, Paris, Payot, 224 p.), a nuancé la question du déni en questionnant ses dynamiques et dans une perspective interculturelle, intersectorielle. La spécification conceptuelle dans l’axe déni-amortalité et dans celle de négation-immortalité est issue d’une discussion avec Luce DES AULNIERS (à laquelle j’ai déjà référé : «Cette brèche à colmater ? Ruptures entre la vie et la mort et tentatives d’intégration», ss. dir. J. DUFRESNE, Le chant du cygne. Mourir aujourd’hui, Montréal, Méridien, 1992, 314 p., pp. 77-192. Et Frontières, Vol. 4, no. 3, Hiver 1992, pp. 5-11.
Philippe ARIÈS (1975, Essai sur l’histoire de la mort en Occident, Paris, Seuil, 214 p.) et par suite a insisté sur la mort «acceptée» en tant qu’elle soit «apprivoisée» (je reviendrai sur cette argumentation historique) avec le résultat que plusieurs commentateurs ont utilisé cet «autrefois» comme jauge des cultures actuelles, oubliant l’ensemble des facteurs contribuant à cette attitude. Incidemment, le terme «apprivoiser» prouve bien en creux qu’il y a quelque chose de redoutable. Et quiconque apprivoise sait d’expérience que persiste un certain fonds irréductible.
Les observateurs du fait funéraire auront noté ce paradoxe : l’affaiblissement apparemment bon enfant de ce qui constitue le rite funéraire, prépandémique, ET ensuite, au cours de la pandémie, les hauts-cris sur son caractère non plus tant privé que privatif de reconnaissance sociale, le réclamant comme condition essentielle du deuil. Outre les réalités que je ne peux ici développer, simplement au plan des stratégies inconscientes, questions : par défaut, révélation abrupte de cet incontournable humanisme psycho-culturel qu’est la ritualité? Manière de signifier en différé le caractère vital de la vie culturelle, du geste symbolique, les deux si mis à mal, c’est le moins qu’on puisse dire, dans la «gestion» de la pandémie?
En sus de ce qu’en expose O. REY (note 4), le refus de toute limitation n’est pas qu’indice de l’oblitération de la finitude et vice-versa. Il crée une illusion de non-souffrance à court-terme, certes, mais en prime : par une fuite en avant, il instaure en cascades le recours à des procédés sélectifs (ex. les fausses nouvelles), la pensée dissociative, l’usure artificielle plus ou moins consentie des êtres et des collectifs, l’affamement de populations et leur exil, et... l’aveuglement meurtrier. Voir entre autres : ZIEGLER, Jean (2019) (Dialogue avec D. LAFAY). Les murs les plus puissants tombent par leurs fissures, La Tour-d’Aigues, De l’Aube, 80 p.
Dans les domaines de la vie sociale, le raisonnement holistique semble avoir cédé sous le poids de la raison instrumentale, techniciste, amarrée à l’économisme : tout doit servir et efficacement, être vérifiable et mesurable. Quid alors de la philosophie, de la musique, de la poésie, de la spiritualité?, de toutes ces ondes impalpables?
Sur les obligations sectorielles, qui, à la correspondance des disciplines universitaires, qui, au décompte des parutions publiques, à l’instar des quantité d’articles, pour «monter» un dossier de subventions, tel que requis par les vitrines des institutions. Cela dit, il peut s’en échapper de réelles compétences.