De très anciennes interprétations donnaient ces traces, en grève, en dune ou en banquise, comme signe du passage des dieux. Par suite, les premiers jets d’écriture les imitèrent. Alors? Entendez-vous la mouette tridactyle, rieuse, et ses vaillants comparses aviaires marins? Nul souci de faire neuf, si non-humains.
Cohabiter 9
Proclamer l’émergence de «nouveaux» rituels, dont funéraires, n’est pas sans nous interpeller sur l’innovation contemporaine. En quoi dresser le tableau des composantes rituelles nous aidera-t-il à discerner les significations de cette nouveauté affichée eu égard à notre rapport à la mort?
« Il y a moins de force dans une innovation artificielle « Quand les humains élaborent une nouvelle technique, |
Pour les premiers patients (dont David et Simon) rencontrés en psychogériatrie, vétérans de la guerre 1914-1918.
Et pour ce qui demeure de cette clarté du regard, aussi celle des anciens jeunes hommes d’il y a 80 ans, lors de la Deuxième guerre mondiale.
Ces guerres, si peu dernières, étaient nouvelles pour eux.
Il est ardu de réfléchir aux tenants et aboutissants d’un phénomène alors que l’on se débat dans la queue de la comète, après avoir été en son cœur : au cœur de l’arrachement à quelque chose qui fut source de croissance et autre3, et éminemment, à un être qui a vivifié le vivant pour chacun de nous.
Il ne s’agit pas de nostalgie ou de regret de ce qui a existé. Car même dans la queue de la comète et même une fois celle-ci éloignée se découvre la jubilation du guet-apprendre.
Il en va ainsi des aspérités et découvertes qu’intègrent les êtres en deuil, une fois traversée l’intensité de la ritualité. Nourris d’elle. Ritualité souvent soi-disant innovante, mais me disait l’un deux : « Qu’est-ce que ça change au deuil ? »
Aspérités et découvertes méritent donc qu’on les envisage et même, qu’on les aime. En clair, il serait plus aisé d’y réfléchir lorsque nous ne sommes pas dans le tourbillon d’une ventée de la mort-même et de sa ritualité. Et tant qu’à s’y mettre : hors des idées reçues.
Or, si on se fie à ses hérauts, la ritualité autour de la mort se renouvellerait à grande vitesse. Voire se révolutionnerait. Ce mot d’ordre d’ajustement des pratiques funéraires aux mentalités socialisées actuelles a émergé dans les années 1980 notamment sous l’indication de la personnalisation, pourtant multimillénaire (les lecteurs ont pu le vérifier pour le témoignage dans le Cohabiter dans le rite récent4). Mais au 20e siècle et depuis, personnaliser en se référant à ce que fut le défunt et lors du salut final et public implique de toucher directement la fibre des survivants, devenue hyper-sensible — du moins parfois dans sa manifestation.
Certes, ce virage sécularisant et participatif devenait souhaitable devant le caractère trop homogénéisant des funérailles. La subjectivité individuelle et l’intersubjectivité battues en brèche par la mort réclamaient une expressivité qui se voulait «signature». Nous avons tous observé l’ampleur et la généralisation de ces phénomènes de personnalisation et de contribution des singularités. Nous y participons.
Depuis, on ne compte plus les appels aux « nouveaux rites », issus d’entreprises, de médias, d’études descriptives soucieuses de l’air du temps. Mais encore ? Quels aspects rituels concernent-ils ? À quels besoins viendraient-ils répondre ? Émanant de qui ? Sous quels arguments ?
Notre précédent texte a également situé l’analyse de ces changements à partir du départage entre rituel et rite et de leurs propriétés, les reliant sur un continuum : de manière générale, le témoignage s’accommode bien avec le registre du rituel et s’y tient. Le souffle du rite le soulève parfois. En prime, nous avons vu que les conditions propices à un rite se compressent et se raréfient du fait de nos conceptions du temps et du lieu.
Or, ce bagage réflexif déjà déposé dans notre baluchon se complète nécessairement ici d’une articulation des constituantes observables de la ritualité : outre les rapports au temps et au lieu, primordiaux, à quelles composantes ou à quels indices reconnaît-on un rituel-rite ? Peut-on en établir un répertoire ? En explicitant ces indices, nous pourrons mieux raffiner notre réflexion : tout ce qui est donné comme nouveau dans ce domaine l’est-il vraiment ? Ces traits «nouveaux» sont-ils entièrement du registre rituel ? En somme, de quoi parle-t-on, notamment de la part des agents du funéraire ?
Ce défrichage de terres perçues comme acquises et évidentes, mais ô combien toujours énigmatiques, nous entraînera logiquement en finale vers cet autre horizon : en quoi et pourquoi notre tendance culturelle actuelle à proclamer l’innovation, dans le treillis des facteurs qui la motivent, traverse-t-elle le terrain rituel ? Mieux, cette proclamation aurait-elle quelque lien avec notre conception dominante de la mort ?
Points d’appui : quels sont
les indices d’une activité rituelle ?
Sachant que rituel et rite diffèrent, que la clarté sémantique et usuelle du premier (le rituel) peut à la fois s’affiner et se dilater dans la richesse plus opaque du second (le rite), comment les repérer dans les pratiques qui ponctuent nos existences ? À quels caractéristiques ? De plus, si l’on a proposé une différence entre rituel (axé sur la communication) et rite (axé sur la communion), il serait également utile de distinguer ce qui est de l’ordre rituel en regard de tant de pratiques énoncées comme telles et avec les connotations à l’avenant : un « petit rituel », volontiers accolé à un geste qui souligne un changement, et puis le très admis « c’est sa routine, c’est son rituel. »
Incidemment, une routine n’est pas un rituel : sommairement, elle est une habitude de santé confortable, du moins lorsqu’elle ne devient pas maniaque. À cet égard, l’on dira avec raison qu’une routine emprunte deux traits rituels, à savoir la répétition d’un geste et le bien-être rassurant qu’il procure. Ainsi, au sens propre, une routine est une petite route que l’on emprunte familièrement, sans trop y penser : petite route débonnaire en guise d’accès à un chemin plus formel et englobant.
C’est précisément cette semi-conscience d’habitude qui dynamise le réflexe de se mettre en route afin de se rendre présent à une réalité, puis éventuellement actif. La routine, cet autre trait universel qui nous ancre dans le réel, est souvent quotidienne. Le constat vaut pour les individus et les organisations. Bref, répétition et ranimation, ces deux traits partagés avec le rituel, ne sauraient pour autant le résumer, pas plus que le rituel ne tiendrait d’une routine. Pourquoi ? Simplement parce que la nécessité d’une mise en route comme prélude à des logiques d’action consistantes ne fabrique pas de sens symbolique, puisque ce dernier nous offre du liant humain et, dans le rite, hors humain.
Dès lors, a contrario de la routine, une activité coiffée du qualificatif «rituelle» répond anthropologiquement à des conditions d’exercice et à certains critères qui se traduisent en indicateurs ou en marqueurs5. Je pointerai pour chacun en quoi ils renvoient au rite comme tel, tout en intégrant comme on sait les traits du rituel.
1. Nous sommes en présence de plus d’une personne. Il arrive toutefois qu’une activité effectuée en solo soit d’ordre rituel, par la symbolique qui innerve la contemplation et la réflexivité de l’acte, par exemple lorsque l’être en deuil rafraîchit de fleurs la photographie de l’aimé décédé6. Et certes, par le recours à une zone d’amplitude, propulsion multimillénaire ressentie, comme on le verra, le déposant alors sous le rite.
Déjà, et en s’axant sur le critère du nombre, on distingue plusieurs paliers de présence avec d’autres et entre tous : rituel intime, entre 2 et 10 personnes ; rituel microsocial, entre 10 et 20 personnes ; mésosocial, qui rassemble un ou des groupes de proximité ou de références prédilectives, voire une communauté ; macrosocial, lorsqu’une collectivité se donne rendez-vous pour se rassembler et partager ses émotions devant un spectacle, ou se rallier à un enjeu politique, une cause communautaire, une perte qui la fait vaciller.
2. Cette rencontre socialisée se tient dans un lieunon banalisé qui permet d’enceindre ce qui s’y vit, en délimitant un espace. Délimiter, c’est la première autoprotection du fait rituel. La figure du cercle y acquiert toute sa vertu puisque le cercle entoure et contient. Les Cohabiter 2 à 5 ont balisé ce lieu révélateur. Que cette zone soit dédiée à l’occurrence ou aménagée, dans tous les cas, la délimitation concrète s’y reconnaît, signalétique. D’abord enclos pour sa propre sauvegarde, il peut ensuite nous y faire sentir libres.
Rappelons-nous aussi que les cultures se fabriquent concrètement et, entre autres, à partir des emplacements humains consacrés aux morts ou, à défaut de leurs traces apparentes, à partir de leur souvenir, mais toujours assemblés dans une éthique naturelle, commune et sacrée, même laïque. Cette éthique garantit le socle du rituel.
Par ce mouvement s’ouvre l’avenue du rite comme tel en tant qu’il est favorisé dans le lieu physique rappelant le destin autant que la présence silencieuse et néanmoins réconfortante de nos devanciers : cette avenue élargie est susceptible de soutenir l’imaginaire de lieux cette fois métaphysiques, ayant trait aux croyances en l’au-delà. En revanche, lors du carambolage récent des lieux et des temps dans la mort devancée —désignée comme aide médicale (ou active) à mourir — il est difficile de penser « rite » dans la mesure où la référence s’en tiendrait à l’empirisme, celui des personnes happées par cette requête et son drame ponctuel ; bien par-delà le caractère émouvant, se tapit et serait tenue coite la teneur anthropos, reliée à tant et éminemment, à l’incontrôlable. Préférons alors “cérémonie d’adieu” ou “rituel de salutation” définitive.
Qu’en retenir ? Au registre de la ritualité funéraire, le terme «significatif» est précisément sujet à attention. Au sens populaire actuel, il renvoie certes à un lieu investi de sens, très souvent du simple point de vue de l’être qui n’est plus ; ou à la rigueur, de celui qui est privilégié par ses proches. C’est ce qui se manifeste dans la déposition de restes hors des lieux désignés, hors des enceintes physiques de la société des morts, lesquelles jouent un rôle capital dans les échanges entre les morts et les vivants comme collectivités. Dès lors, sous cette emprise sémantique subjective tout individuelle, ce lieu peut être significatif pour certains mais banalisé pour d’autres ou tout bonnement ouvert à des «significatifs» concurrents : on pense à l’effet sur des randonneurs en parc naturel de la «cérémonie» d’épandage des restes cinéraires aux abords d’un sentier renommé. S’érode l’esprit « de faire corps » ensemble, ou de se vivre comme un corps singulier mais relié. Comme si l’ensemble avait noyé le singulier, alors que, encore une fois, il l’enrichit.
Il se trouve que la dispersion des lieux et la dissolution des traces règnent dans le discours actuel sur la nouveauté. Certes relativement nouvelles, ces pratiques illustrent un justement bien nommé «petit» rituel qui, sans frontières assumées, peut difficilement figurer se rehausser en rite.
Qu’en tirer ? Ce qui tient du ressort rituel n’est pas qu’autonome, émancipé de tout cadre, mais justement largement hétéronome, de sorte qu’un rituel, puis un rite, se définissent par d’autres composantes fécondes pour lesquelles le lieu demeure primordial.
3. Nous nous trouvons devant une occurrence hors du temps et du rythme quotidien, une durée plus ou moins déterminée vouée à sa réalisation. Cet indice est aussi majeur, si bien qu’il a fait l’objet des propos qui s’enchaînaient aux lieux (Cohabiter 5, 6, 7, 8).
Il n’en demeure pas moins que cet amenuisement objectif du temps consacré à la salutation à un être mort fragilise le déploiement des composantes du rite comme tel. En effet, celui-ci procède d’un crescendo où le temps, en sa durée objectivement égrenée — comme l’existence — procure la sensation et le sentiment d’une bulle hors du monde et de ses usages courants. Il n’y a qu’à entendre les retours enchantés des participants à une cérémonie funéraire qui fut campée dans la saveur unique de la suspension ponctuelle du temps. Pourquoi ? C’est que la tristesse et la régénérescence en bas-bruit, mises en commun, ont le pas lent. Oui, contre culturel. Le rituel ne s’y recroqueville pas en tâche fonctionnelle, mais emprunte une cadence et un souffle à envergure assumée.
4. Nous sommes aussi en présence d’une instance initiatrice-organisatrice et légitimatrice, non pas dans la ritualité intime, mais pour les autres registres participatifs. Lorsque les rassemblements à l’occasion d’un décès ont lieu en dehors des cadres institués, il n’est pas toujours aisé de repérer qui est ou sont les responsables du déroulement rituel. Le code était clair dans les paramètres conventionnés, deux célébrants «officiaient» alternativement, celui d’une entreprise funéraire (en Occident du Nord, mais partout, les soins à l’être décédé et à ses proches sont confiés, sinon à des spécialistes, du moins à des personnes dédiées, tout en exerçant d’autres rôles au sein du groupe), et celui de l’institution religieuse, dans une distribution réglée des rôles. Au cours du processus de sécularisation des funérailles, des tensions apparurent : elles ne reflétaient pas que des conflits de juridiction (surtout dans les années 1980 alors que s’y affirmait l’industrie de la mort), mais des modalités d’influence psychosociales : n’oublions pas combien la proximité temporelle du mystère de la mort est structurellement source de puissance. Par conséquent, dans le droit fil des vertiges d’emprise, à toutes les époques, ces tournants temporels sont irradiés de rapports de pouvoir mettant en jeu des systèmes de places sociales qui peuvent altérer le souci réel et cohérent du vivant7.
C’est aussi ce qui rend délicat le rôle d’ordonnateur de la séquence rituelle. Sans compter les desiderata des proches, entre fantaisie, brièveté et refus d’insertion dans un cadre. Il s’agit proprement d’un métier. Un métier procède de savoirs, lesquels ici, doivent être discrètement actifs et non démontrés ostensiblement ou dans une déclinaison argumentaire se voulant persuasive (« C’est important de faire ceci, on le fait pour cette raison… Vous allez voir, vous allez bien vous sentir. ») S’il existe un schéma-type de cet ordonnancement (j’y viendrai au marqueur 7), il importe de demeurer à l’écoute des vibrations qui parcourent les personnes et le groupe. Il ne s’agit donc pas d’un rôle de leader au sens où celui-ci agit en fonction exclusive des traits du groupe. Il s’agit plutôt d’équilibrisme entre la prise en compte de ce qui se passe in situ et de ce par quoi doivent passer ces nids civilisationnels afin que chaque personne se sente considérée comme telle ET comme membre d’un groupe humain, lui-même inséré dans les générations multiples.
Ce rôle ne saurait être tenu par un membre de la famille ou par des proches, même si certains sont appelés à intervenir ponctuellement. En effet, la légitimité de ce rôle si exigeant de doigté comme de tenue horaire tient à l’extériorité émotive à l’événement, mais aussi à la compétence éprouvée : tact, capacité d’enchaînement sans se perdre en explications pour chaque élément, minimalisme de l’égo, capacité d’harmonisation entre les éléments décrits sous le 10e marqueur, plus bas. C’est donc à l’intérieur de cet ensemble de gestes et de paroles symboliques que l’hommage loge, en opérant au besoin des ajustements entre intervenants.
5. Toute ritualité engage des conduites du corps, des mouvements, des postures, des gestes inhabituels mais largement convenus institutionnellement. Dans le cadre, ici, de funérailles et du deuil, ces mouvements vaudront une prochaine étude détaillée.
Pour l’heure, signalons des registres ténus sur le corps. Ainsi, on observe des modifications de l’apparence des endeuillés, manifestant l’inscription incarnée de normes plus ou moins explicites et les attestant du même coup. En voici quelques exemples.
De nombreux groupes ethnoculturels signalent la perte d’un proche et s’y identifient par des marques corporelles qui peuvent aller de la chevelure désordonnée ou coupée — mimant le désordre de la mort, toujours provisoire — jusqu’à la scarification, ces entailles sur la peau identifiant les deuilleurs et leur statut ; une variante identitaire a inauguré la pratique du tatouage, devenu un des signes de nos récentes prédilections existentielles.
Le visage est ciblé, vecteur interactionnel incontournable. L’absence de maquillage, ou encore un fard de teinte uniforme caractéristique, signalent quant à eux le vide de même que la non-disposition ponctuelle à quelque séduction de ce type. Le masque porté lors des funérailles est pour sa part encore plus polysémique, selon les moments rituels : représentation du mort qui préside ainsi métaphoriquement à ses funérailles, figure tutélaire clanique invitée à accueillir l’esprit de qui n’est plus, double qui veille au grain et en avertit les vivants et, plus rarement, figuration du statut de deuilleur. La place socio-affective préalablement attribuée désigne qui le porte, qui s’en estime privilégié.
Les accessoires et les vêtements ne sont pas en reste. Toute société dispose d’un code spécifique (on en traitera à propos des couleurs), qui se reflète dans l’adoption a minima spontanée d’une sobriété unificatrice. Cette manifestation non verbale exprime une retenue personnelle, généralement au bénéfice d’une aménité cohésive dans l’épreuve. Ce que cette forme de politesse traduit implicitement8 ? On adhère au chagrin par déférence autant à l’endroit du défunt qu’envers ses proches ; on se rallie au groupe social ; on convient du caractère commun du sort humain. Le rituel y consent et oriente ainsi le caractère cérémonial vers le rite : la solennité et l’importance attribuée à une tonalité de présentation d’ensemble devient un prélude au fait d’être touché par des significations qui dépassent l’occurrence du rituel comme tel.
Or, il arrive que l’originalité d’un style flamboyant arboré par un proche ou un visiteur transgresse cette règle de civilité anthropologiquement effective : qui l’emprunte signifie en creux qu’il ne saurait subsumer son identité singulière sous une identité de groupe, pas plus que sous une identification minimale à la situation de perte et à notre mortalité commune. Malaise. Ou à tout le moins, léger étonnement. Mais quid du soutien au deuil?
Par conséquent, lors de la ritualité funéraire, toujours au registre du marqueur corporel, l’on incarne en sa personne non pas tant ce que l’on est, mais quoi donc ? Ce dont on est aussi redevables, des expériences et certainement des valeurs, ces accomplissements bien réels nous ayant précédés. Et la suite de ce « n’est plus », si elle résonne en rituels intimes ou en gestes singuliers rappelant l’autre, est ici enchâssée dans des pratiques groupales, au moins mésosociales, voire collectives. À nouveau, loin de renier nos précieuses individualités, elles nous intiment une identification certes non laissée à un libre arbitre, mais nous rappelant aussi que ce corps à soi n’est pas auto-généré, mais génétiquement et culturellement ancré. D’où le respect d’un type de tenue qui, eu égard aux sources et à la gravité du lien vie-mort, exige une certaine réserve. Toutefois, le caractère uniforme à certains égards n’équivaut pas à une forme de rigidité, comme le prouve, par exemple, le style vestimentaire des concertistes. C’est que la perte concerte.
6. Est déterminante l’implicationaffective et concrète des participants, une mise en commun dynamique et solidaire, contribuant à l’énergie du liant. Ce marqueur se percevait dans la perspective des conduites corporelles : on ne se présente pas à un rituel comme lors d’une transaction marchande, administrative ou professionnelle9. On s’engage corps et esprit dans une activité rituelle qui instaure cette toujours unique « trouée dans le temps », qu’il s’agisse d’un 5 à 7 entre collègues ou de la participation à un festival : rareté, voire intensité, justement si éloignées de la routine. Nous sommes de la sorte mobilisés par ce qui est en train de se faire, par ailleurs jamais complètement assurés de tout capter et de tout comprendre. Il arrive bien sûr que l’on soit emporté par des émotions complexes, ainsi associées à un décès, et tout autant par la rencontre humaine qui en émerge et nous permet de les temporiser un tant soit peu. Cette rencontre des cœurs, si elle est partie intrinsèque du rituel, nous fait cheminer vers le rite.
En effet, «sym-bolir», symboliser, permet de joindre les sens d’une expérience et nous fait nous joindre les uns aux autres, très précisément dans une qualité de présence fondant la richesse profonde du rite. Mais symboliser ne se crée pas dans le vide : l’implication affective procède d’une motion naturelle, d’affinités ET d’acceptation des différences qui créent toujours du liant. Pour autant, à la base, cet engagement est autorisé dans un temps de communication qui favorise le partage et la circulation d’affects et d’objets. Et en retour, ces conditions amplifient le sentiment et la force du liant. C’est alors que se précisent les autres marqueurs propices à l’existence d’un rite comme tel.
7. Pour tout rituel qui aspire — même confusément — à la non-banalité du rite, l’on trouve des objets investis symboliquement : ils débordent le sens perceptible, trivial, usuel. De quoi l’activité rituelle témoigne-t-elle universellement? Les objets sont apprêtés, manipulés, offerts ponctuellement ou transmis cycliquement entre groupes et tribus, puisque l’échange est aussi économique. Ils sont aussi parfois sacrifiés : à portée minimale, en ceci qu’un propriétaire qui y était attaché s’en départit ; à portée maximale, dans le cas du sacrifice, ainsi d’un animal, succédané d’une vie humaine. En toutes ces figures, on sacrifie intrinsèquement ce qui porte une valeur certaine, pour soi. Et ce faisant, on offre symboliquement une part de ce que l’on est.
Ici, ces objets peuvent être éloquents sur plus d’un plan et rendre présents — représenter — plusieurs registres : d’abord, la réalité de la mort de l’autre, d’évidence — ce fut déjà discuté —, les restes cinéraires, qui sont déjà une forme d’ersatz à la présence du corps. Il peut s’agir aussi d’un objet étroitement lié à l’existence de l’autre, désormais déserté, tels un outil, un vêtement coutumiers. La représentation de l’absence définitive de l’autre, mieux, de la mort en soi, peut être très simple : un carré de tissu blanc, un vase renversé ou tout objet qui figurait jadis dans les iconographies dites des «Vanités», symbolisant le passage du temps qui rend précaires nos existences, comme un sablier.
Un second registre a partie liée avec le premier en ce qu’il rappelle ce que fut l’autre, ce à quoi il attachait une importance esthétique, telles une tonalité ou une forme figurative, ou encore une valeur soutenante et édifiante, comme un ouvrage, un objet de collection ou qui lui fut transmis. La photographie de cet être s’en trouve ainsi mieux encadrée.
Un troisième registre concerne davantage la teneur des liens qu’il avait entretenus, éléments cette fois parfois offerts en retour par les personnes qui en auraient bénéficié : la palette est large et se constitue autant d’un cadeau de la part de qui n’est plus que d’une trouvaille métaphorique, telles de petites cloches qui rendent grâce pour une présence fiable et tonique. Ces objets peuvent être disposés à l’avance ou remis en présence. Enfin, il n’est pas rare qu’un être lié à une personne endeuillée lui offre un objet réconfortant, le plus souvent hors du cadre cérémoniel. Par ailleurs, lors de morts d’enfants, et encore davantage en des circonstances tragiques, les peluches accrochées sur les lieux de l’évènement ou au domicile prennent le relais des poupées que l’on offre dans d’autres sociétés. Elles racontent combien assentir à marquer la perte est à la fois déchirant et consolateur, devenant alors de précieux mini-auxiliaires du deuil.
Parmi la gamme fort différenciée de ces oblations matérielles chargées de sens, le don de fleurs persiste et ce, dès les origines rituelles : viatiques de beauté espérée du passage, écran partiel au corps inerte et, singulièrement, fragiles effigies de nos existences et de la coupure qui nous oblige à entrer dans le deuil. Ainsi, si symbolir signifie relier, c’est que ce mouvement de reliance est fondamentalement motivé par la perte et le fait de délier la forme connue du lien. En ce sens, que les proches les gardent ou les donnent à leur tour, les bouquets reçus attestent de la séparation, même cruelle. D’une grâce aussi.
Dès lors, cette diversité des registres langagiers des objets et, certainement, sa profondeur de champ symbolique, si l’on s’en autorise le déploiement, nous projettent volontiers vers le rite. Il nous faut entre autres l’insérer dans une scansion temporelle.
8. Le temps présent se donne et se partage de manière ordonnancée entre participants, individus, groupes, intergroupes. Cette durée est découpée en séquences identifiables et souples qui furent investiguées à propos des enjeux du rite de mort, à la section du texte précédent intitulée « Les moments rituels prennent du temps. »
Résumons-les. Pour toute ritualité, on prend d’abord acte de l’événement ponctuel ou cyclique suscitant cette suspension provisoire du temps occupationnel, par laquelle on marque un palier d’arrêt, ici, devant ce qui représente la mort et la mort de l’autre.
Au fil des moments et selon les modulations des actes, des paroles et des musiques, s’ouvre l’expression mutualisée et canalisée des effets émotifs de la mort. Ils sont directement manifestés, mais irriguent aussi ce qui précède et ce qui suit.
Ainsi, toujours minimalement, l’on se propose ou l’on entame une forme de réparation, à savoir fabriquer quelque chose non pas de neuf, mais de meilleur avec ce qui nous est imparti. Comment ? Dans plusieurs sociétés, en cherchant la cause de la mort, ou encore, en voulant conjurer le sort. Pour d’autres, par une donation à des tierces parties plus ou moins sacralisées (fondations, philanthropies, églises). Il n’est pas rare non plus que l’on murmure un regret ou un amendement à l’endroit du mort (encore faut-il qu’il soit présent, même allégoriquement). Comme déjà évoquée, la culpabilité inconsciente, même sous une tonalité légère, motive des offrandes, le sacrifice d’un bien ou, dans le registre directement expressif, les témoignages comme les spontanéités déclaratives.
De la sorte, les offrandes de tous ordres ne relèvent pas que du simple désir universel de composer avec une ombre plus ou moins travaillée eu égard à l’être qui n’est plus ou au contexte qui prévaut. En honorant le mort, elles célèbrent son importance, ne serait-ce qu’en termes relationnels. De là, mâtinée avec cette profonde motion de réparation, la tendresse se donne comme viatique pour contribuer, même magiquement, même confusément, au bien-être de l’autre dans un outre-monde.
Par ailleurs, que trouve-t-on d’autre sous la coupole de l’attestation de ce qui fut et du passage vers l’ailleurs ? Des manifestations de reconnaissance, au sens d’identification des états affectifs mis au diapason (« je reconnais que ») et au sens de gratitude (« je vous suis reconnaissant ») : ainsi des donations de fleurs, de parfum et, on y revient, élégie ou hommage-témoignage. Cette coupole permet à la recherche spirituelle de s’adosser à une représentation concrète, entraînant alors vers le rite comme tel. En effet, la recherche de quelque sens à donner à la perte — celle qui offre au rite une clé de voûte — ne peut en rester à l’empirique, à la qualité relationnelle et à l’autoréférentiel, à l’émotion première, pourtant essentielles. La «quête de sens» s’aventure dans d’autres univers humains mentaux. Et cela requiert du temps d’effectuation rituelle. Quel serait dans la foulée le curseur déterminant qui fait ainsi passer de rituel à rite ?
9. L’on retrouve ici les étagements ou les paliers de signification qui nous font progresser à travers ce que les marqueurs précédents mettent en place : d’abord rappel de ce qui rassemble les uns et les autres, déposition de l’expérience et des émotions qui y sont associées, et certes, au cœur du rite, entendement questionné, partagé, adhésion à des valeurs communes, à des degrés divers. Et si le fait de sym-bolir nous fait repérer le rituel, ce sera précisément l’ampleur de cette recherche d’entendement, de cette attribution de sens possibles à l’arc de l’existence qui fera vibrer la sensation du rite et, bien davantage, son effet d’échange réconfortant entre les êtres. Et, à toujours recommencer, le fait même de la culture. Justement, « dans son acception large, l’adjectif symbolique renvoie à ce processus constitutif de l’élan de culture qu’est l’attribution de sens au monde. Chaque société sélectionne des significations ; chacune classe, réunit, oppose, hiérarchise des objets de la réalité selon sa manière propre qui est à la fois le cadre d’intelligibilité qu’elle se donne et la condition de la communication entre ses membres10. » Certes, intelligibilité et communication peuvent “coroller” une communion.
On s’en souvient, communiquer avec les autres et nous comprendre minimalement relève du rituel. Attribuer une signification qui soit différente d’une coutume réconfortante et qui fasse gravir de concert les étagements de sens procède du rite. Si, effectivement, symboliser relève de la mise en liens sociaux qui résonnent dans l’être intime, cette aptitude développe la recherche de sens nous détachant de l’évènement empirique et de ses effets visibles. C’est alors que « l’élan de culture » enrichit tout être : les références diffèrent selon les sociétés et les époques, mais on n’en connaît pas qui auraient à ce jour renoncé à ces étagements ou ces orbites de signification qui leur sont antérieurs et sont ravivés lors de la mort : l’enchaînement des générations et ce qui s’en inspire au sein des groupes d’affiliations collatérales, le milieu physique vital humain et, bien au-delà, les diagonales de relations jusqu’au cosmos, les créations de modes de vie, d’arts et de techniques au sens large, les efforts jubilatoires de la vie de l’esprit qui peut certainement développer des espérances de survie, en somme un «tout» qui viendrait riposter au «rien». Mais un tout qui ne soit pas à visée totalitaire.
Si nous ne prenons pas le temps du rite, si nous le reléguons à un «petit» rituel, nous ne pourrons en référer au temps des humains et à ce que celui-ci a produit comme œuvres de culture qui, toutes, sont générées de loin en loin à la fois par la peur de perdre et par notre faculté de composer avec la perte, la solitude et le sentiment d’absurdité.
10. Afin de se développer en rite, une activité rituelle donne à comprendre et à distiller un délicat jeu d’équilibre, et même d’harmonisation, entre plusieurs dyades bien reconnaissables. Elles n’équivalent pas tant à des binômes strictement opposés qu’aux éléments qui font précisément du rite une fabrication mouvante et vivante d’œuvre de culture, au même titre que le langage, la littérature orale (légendes, contes, mythes, proverbes) ou écrite (issue de la pensée idéelle, imaginaire et logique, etc.), l’artisanat ou l’ingénierie, ainsi que ce je viens d’énumérer relativement aux étagements de sens.
Dans l’élan qui fait de l’humain un être chercheur et découvreur, il faut donc considérer cet ensemble de traits pairés : le recours à des dispositifs connus ou le respect de formes établies (voir ci-contre) AVEC le jeu à l’intérieur de ce cadre (variations qui peuvent être préparées ou spontanées) ; la prise de parole adaptée, la musique, le chant AVEC le silence ; l’immobilité AVEC le mouvement, la danse. Autant dire alors que le rite ne s’improvise pas et qu’il implique une mise une scène, ce qui n’équivaut pourtant pas à de l’affectation et à une rigidité protocolaire, mais au moins à une cohérence de son déroulement. On retrouve la nécessité d’une personne qui sache orchestrer.
L’esprit de cet agencement dans un espace/temps signifiant s’emploie à articuler une structure symbolique garante de son effectuation avec les occurrences situationnelles singulières, selon la personne de l’être disparu, ses éventuels souhaits, les circonstances du décès, l’existence de proches et de réseaux de collatéraux. C’est alors que s’invite le dernier marqueur du phénomène rituel, qui nous entraînera lui-même à réfléchir sur l’insertion de l’inusité dans la pratique rituelle autour de la mort.
11. J’ai déjà attiré notre attention sur la répétition lors de la discussion à propos de différents thèmes : d’abord, le recours à la tradition à titre de repère connu et, partant, d’assurance de manières de faire et de dire, particulièrement lors de circonstances déstabilisantes. La répétition sous cet angle valait déjà pour les rituels saisonniers (telle la préparation de la chasse), qui consolident une coutume en l’instaurant en tradition intergénérationnelle ; ensuite, la nécessité mnésique de l’apprentissage d’une forme de contenance sociale qui évite également — à titre de repère — de perdre pied et de s’égarer. Enfin, le risque de sclérose qui guette la reproduction à l’identique, particulièrement en cas d’abus d’une hiérarchie qui y trouve sa justification confortable.
Mais, au sein même de l’effectuation du rituel, il n’y a pas que reprise reconnaissable de points d’ancrage structurels du rite; il y a répétition de mots et de gestes, alors mimétiques. Ils sont essentiels à notre admission du caractère troublant de ce que l’on y célèbre, à la concentration de l’attention, à la tenue cérémonielle mais surtout à la coalescence du groupe, ouvrant et clôturant ainsi une séquence et la pratique rituelle comme telle. Encore faut-il aussi doser ces éléments rituels pour lesquels la reprise est intrinsèque. Exemples ? Une incantation ou ce qui s’y apparente doit prendre fin pour ne pas devenir hypnotique; le nombre de personnes qui témoignent en (court) hommage est restreint pour éviter la saturation; l’écoute de plusieurs chansons (4, 5?) peut devenir insignifiante, voire s’imposer au détriment de la musique instrumentale (j’y reviendrai).
En cela, l’on peut vérifier combien quelques répétitions limitées contribuent à la progression du rituel en rite en facilitant la conscience du moment et l’accordement entre tous. Toutefois leur abus, parce qu’il est livré au « c’est ainsi que cela s’est toujours fait » ou à la surenchère sensationnelle vers le pathétique, contribue à l’évanouissement du caractère expressif et actif de la fonction rituelle. De là, l’effet pervers en serait l’appauvrissement. Et il s’agit là peut-être d’un nouveau phénomène…
Conséquemment, que conclure de cette investigation des indices graduant le passage de rituel à rite ? A contrario des excès de répétition d’un côté, de signalétiques égotistes individuelles de l’autre ? La prodigalité fondamentale du rituel qui gagnerait vers le rite tient en large part à la richesse affective des singularités que la mort vient toujours malmener ; elle tient aux rapports humains à leurs morts, mélange de tendresse dans l’adieu et de promesse résistant de prime abord à la séparation, mais s’y obligeant. La revue des indices dans le gradient du rituel vers rite ne nous fournit pas que des clés d’interrogation et de travail afin de nous donner davantage accès au réel. Pour ce faire, elle a documenté notre obligation à l’endroit des liens vie-mort, et ceux entre vivants et morts : elle concerne les symbolisations de l’absence et les aspirations concomitantes vers d’autres présences, authentiques sources de sens.
Or, cette obligation qui traverse les cultures peut bien être dans son évitement contemporain un facteur déterminant mais non-dit de la nouveauté sociétale qui se donne telle. De la sorte, si l’on cherche à s’épargner cette obligation sous prétexte d’atténuation de la souffrance, l’on rogne d’autant la chance du rituel de devenir rite. On se soustrait à sa plénitude si vivifiante dans le temps de nos existences. En ce cas, serait-ce que le « nouveau » rituel signerait un sursaut ? De quoi ? Vers quoi ?
Les aléas d’un mot-valise :
innover, pour quoi, en quoi ?
La synchronie actuelle et dansée de deux superlatifs
Dans la sphère auto-générée des proclamations, l’on ne s’étonnera pas de la symétrie qui a cours dans le langage usuel ou des accointances entre deux phénomènes.
Le premier phénomène est d’ordre général mais vient mine de subrepticement infléchir la ritualité funéraire. Il s’agit de l’innovation qui se présente pour nos contemporains comme un gage de succès, si ce n’est de perfection : où que l’on regarde, politiques publiques, projets d’organismes, justifications de la recherche scientifique ou artistique, mise en marché d’un nouveau produit ou adoption d’une mode comportementale, tous inclinent vers ce qualifiant. En fait, un identifiant : « Adoptez, c’est tout nouveau ! » Et « Démarquez-vous, osez, soyez innovateur… ». Le « néo » a la cote de l’accroche émotive.
Le second phénomène appartient aussi au domaine de la communication générale en imbibant le commentaire courant pour quiconque propose son apport : l’épithète « exceptionnel ». Il surgit singulièrement lors de l’élégie funéraire. Cousin du « remarquable », l’attribut ne fait pas que surligner tel haut fait ou telle vertu de l’autre au gré des modes (« bienveillant, généreux, intense »), il l’amplifie jusqu’à en cristalliser la personne (au sens de résumé et de préciosité). Dès lors, la singularité des êtres, à la fois merveilleuse et banale, s’égare dans une propension bien actuelle : proclamer une identité qui n’est pas tributaire de liens et de consistance mais davantage modulée selon les talents à réclamer les louanges jusqu’aux nues. (Le self-made man agit chez les individus s’estimant auto-générés). Le rapport d’admiration risque ainsi de phagocyter le rapport de solidaire sororité ou fraternité. Et certes, saisie dans les rets de l’égo d’abord préoccupé de son image et de son assurance, l’admiration enfle la propension péremptoire aux jugements moraux (tout en disant s’en garder) plutôt que de décrire et de fouiller. Bref, l’exceptionnel n’a plus grand chose… d’exceptionnel.
Or, ces deux phénomènes (innovation et exceptionnalité) ne sont pas que concomitants. Ils s’acoquinent allègrement. Comment ? Nous entonnons le refrain de ce qui est recherché comme magnification (l’effet «wow») dans les déclarations concernant toute nouveauté. Elles tablent sur l’apologie de l’inédit absolu, de l’audace, de la promesse de succès (ou de salut), qui tournent forcément le dos au passé : là aussi, on insiste sur le caractère « ab-so-lu-ment exceptionnel » de ce qu’on promeut.
Dans l’hommage dithyrambique à propos de l’autre qui savait oser, de même que dans l’imparable novation, la pensée mythique joue à plein, surtout axée sur le halo de rêve qui flotte autour de qui ou quoi se voit paré de ces traits, devenus une convention. Le paradoxe entre, d’un côté, la convention, voire le diktat et, de l’autre, le tout-à-la-suprême singularité,a de quoi laisser perplexe. En fait, «exceptionnel» et «innovant» s’avèrent des grigris des rapports sociaux, proférés de bon aloi, dans le présupposé forcément itératif (ou répétitif, tout en réclamant le changement : nous n’en serions pas à un paradoxe près), sans avoir à les définir. Ce flou leur confère paradoxalement leur attractivité, voire leur acceptabilité sociale, autant en gestion que dans les afflux massifs d’opinions. Tout est alors dit. Et dans leur poussée d’indifférenciation, l’exception et l’innovation aboutissent mécaniquement dans le vaste «domaine» de la mort, là encore centrées sur l’actuel.
« L’actuel » de ce texte réclame certains éclaircissements sur les hyperboles en question.
Lorsque distinguer n’est pas forcément SE distinguer :
quelques prémisses à nos avancés
◼ Le recours à l’innovation comme pesée discursive discriminante se généralise lorsqu’une culture éprouve quelque difficulté devant les problèmes sociétaux et lorsque, voulant disposer des moyens à sa portée, elle se donne comme apte à résoudre les maux disséminés à travers le monde, singulièrement de nos jours. S’y retrouve un curieux mariage entre la pensée magique et la pensée technique. En effet, comme terme courant, l’innovation a trouvé son nid dans une justification obligée des fonds consacrés aux expérimentations technoscientifiques, dans la logique de leur accélération compétitive. La pensée technique qui en résulte consiste à estimer que tout déterminant d’un problème se calibre quantitativement dans ce qu’il laisse voir (son apparence), dans un empirisme lui-même jugé incontournable. Par exemple, dans cette orbite, l’on peut croire que les impacts sur l’environnement liés à l’activité humaine capitalistique se mitigeront par une bonne technologie, robotique, bio physico-chimique, issue de l’intelligence programmée par algorithmes. Dans notre quotidien, l’on peut estimer que tout se règle par une astuce efficace, même si l’efficacité technique facilite maints gestes, particulièrement en cas de limitations fonctionnelles. J’y reviendrai.
Voilà pourquoi le terme «innovation», nimbé de son aura salvateur technologique, se serait échappé du monde des découvertes technoscientifiques pour séduire l’ensemble des domaines de l’activité humaine. Il rallie en superbe démocratisation tout ce qui veille à ses intérêts d’image, en quête de reconnaissance sociale. Caricaturons un peu : vous devez «innover» en cuisine et, non seulement surprendre mais estimer que vous faites de la gastronomie, bien sûr, « en toute simplicité » : la nouveauté est attribuée à chaque ingrédient ou gomme le fait qu’il n’en soit rien, afin de verser dans «l’exceptionnel».
◼ En plus, l’innovation a besoin de ce superfétatoire à cause de la vitesse avec laquelle elle s’empare des inventions. Elle les diffuse et rejoint en cela l’emprise et l’accélération de la mise en images et en scènes, dans la perspective de mise en marché. Comme elle fait l’apologie de la prise de risque, chaque individu qui s’y adonnerait est épinglé comme étant exceptionnel et la mousse des réseaux sociaux fait le reste. De là, le pas est vite franchi pour appliquer le terme à l’orientation de chaque initiative, en insistant sur le caractère obsolète de l’héritage du passé, en dégradant l’ensemble de ce qui y appartiendrait, souvent en aveuglement consenti de ce qui le constitue. En un mot, l’innovation est le plus souvent stylistique et idéologique plutôt que fidèle aux réalités. Un mythe en soi «rénové».
Pourtant, l’invention ou la nouveauté réelles peuvent aussi percoler autrement, sans se ranger sous l’étendard battant de l’innovation. Inventer signifie créer un objet, un procédé technique, un lien entre phénomènes; cela touche tous les domaines de la vie en culture. Toutefois, sans doute pervertie par le diktat de l’innovation, la rhétorique sur l’invention, de la quotidienne à la savante — incluant les questions funéraires —, relève peu le fait que nous ne créons pas ex nihilo. En négligeant d’emblée de clarifier les prémisses de ses avancés, elle s’affranchit de cette autre obligation, la logique autoréflexive.
Par conséquent, le discours sur la nouveauté tend à oblitérer le fait que toute invention tient à deux apports : d’abord la recombinaison d’éléments acquis ou anciens, offrant alors une forme nouvelle dans laquelle le caractère composite est indiqué, ce qui fut appelé «bricolage» (voir les Cohabiter 6-7) : à ce propos, nous manquons parfois de l’objectivité d’un savoir confirmant l’existence préalable de que nous aurions voulu inventer, fantasme légitime, mais précisément fantasme. Second apport, celui de la création «pure» si tant qu’elle soit réelle, comme si l’existence était dépourvue de scories inconscientes : il s’agit davantage d’une nuance apportée à l’œuvre des réalités, d’un ajustement éclairé, adaptatif, à une situation. Et cette situation est, en soi comme dans ses interprétations, nourrie des idées et comportements en partie différents de nos devanciers : nouvelles voies de connaissance, certes, mais non complétement étrangères à ces apports. C’est la clé du renouvellement. Or, le bling bling de l’annonce monopolise la signification, ironiquement dans la même dynamique dominatrice que nous reprochions à certaines institutions (multi) séculaires.
◼ Néanmoins, dans la nouveauté avérée se manifeste la créativité, reliée à la profusion des idées (pas forcément novatrices, c’est le cas du remue-méninges à l’origine utilisé en publicité), hors des angles habituels d’usage des savoirs : toute pensée associative génère quelque nouveau lien. Par contraste, l’inventivité est le propre de ce qui ajoute à la connaissance et donc contribue à la renouveler, et donc encore aide à comprendre un problème. En cela elle dépasse l’occurrence dudit problème et introduit une logique autre qui est à même de modifier celle des situations et de leurs interprétations. C’est ce qui se produit lorsque nous constatons l’aspect stérile de la répétition si elle bute sur les mêmes obstacles, nous intimant ainsi à « penser hors de la boîte (out of the box). » Et de cette énergie créée dans le bricolage, le problème peut se résoudre, en tout en en partie.
Et pour la ritualité ?
La technique et son sauf-conduit dogmatique
Qu’en est-il pour notre exploration ? Par-delà les publicités qui se résument en une ligne et leurs formules-choc, nous n’innovons pas dans le domaine de la ritualité funéraire, même si nous le prétendrions ou nous le souhaiterions. En cela, l’accolement des deux termes « innover (et inventer) du rituel » est un contresens. En quoi ?
Les nouveautés relèvent toujours d’une tension dynamique entre des manières avérées de faire dont une part s’est dégradée pour diverses raisons sociologiques, notamment cette émergence typique depuis la modernité : la rapidité du développement des techniques, en premier lieu communicationnelles. Or, les techniques ne sont pas des rites, elles en orientent la performativité et le sens. Même mises en place depuis peu, on ne saurait, par amalgame, les assimiler à de « nouveaux rites ».
Première nouveauté technique déterminante pour la ritualité : à travers le web, dans le signalement d’un décès, l’organisation des funérailles et les réactions du socius. Procédé désincarné qui facilite la circulation première et démocratisée des affects, il a ouvert une forme d’ersatz rituel lors de la crise pandémique. Toutefois, un enregistrement numérique peut difficilement joindre la richesse polysémique du rite, même si l’abord en est nouveau. En effet, exprimer un affect ne fait pas d’une motion un rite, si l’on se fie à ses marqueurs. Il faut au moins bouger ensemble et se disposer à percevoir des significations inaperçues.
Une seconde nouveauté factuelle tient au traitement opératoire des restes humains, sous deux exemples. Le premier a trait à l’invention d’un procédé qui aurait des conséquences sur le moment rituel, en termes de disparition du déjà «disparu» : l’aquamation, un dispositif technique de dissolution des corps qui résout relativement les problèmes de la pollution terrestre et atmosphérique. Mais elle n’est pas une crémation par l’eau.
L’autre exemple évoqué plus haut (et exploré dans des textes antérieurs), toujours sur des modalités de réduction physique des dépouilles humaines, comporte des motifs et des effets majeurs : la crémation. Certes, eu égard aux pratiques traditionnelles, la brutalité matérielle du feu est escamotée au premier degré : on ne voit ni ne sent de flambée. Elle est de plus atténuée si l’on considère la participation des proches au prélude activateur, comme on le propose récemment. Néanmoins, la mise en scène avenante n’en fait pas un rite. Elle suscite un ou deux nouveaux gestes proactifs, se rapprochant du rituel primaire, mais ne peut se qualifier sérieusement de « nouveau rituel » : si le procédé technique l’est et adoucit considérablement le déroulement, il fait partie des arrières-scènes du rite, puisqu’une procédure technique ne crée pas de sens.
Il demeure que la crémation contemporaine, détachée de ses origines philosophiques et religieuses, a donné lieu en Occident non seulement à une miniaturisation, mais à une indifférenciation radicale sous forme de restes cinéraires. En oublierait-on la blessure ? Ressentie, avouée ou non, il se peut bien que la mode «innovation» se tienne à proximité.
En effet, ce phénomène d’abord technique, producteur de non-reconnaissance possible des traces physiques d’une existence, est corrélé à la progression importante de la personnalisation des funérailles. Une telle personnalisation, clamée comme novatrice, outre ce qui la porte dans l’histoire des sensibilités intersubjectives, masquerait ainsi ce dont elle se défend, comme une motivation secrète : la déperdition progressive de l’individualité dans ce symbole de mort si patent : l’intolérable corps inerte. Notre riposte ? Une technique de pulvérisation d’une individualité par ailleurs survalorisée. Serait-ce que la dissolution de l’individualité, intrinsèque à la mort, nous angoisse davantage que nos prédécesseurs ? Si c’est le cas, la technique agit comme trompe-l’œil en ne résolvant que la surface du problème. Et c’est dans ce que nous concédons à la puissance de la technique qu’émerge le problème de la mort contemporaine, travestie, contrôlée… et pourtant toujours complexe. Le prochain texte ce cette série l’explorera.
Autre nouveauté qu’entraînerait cette récente réduction-indifférenciation, dans sa symbolique tabou? Troisième trait factuel, non pas tant la réalité du geste immémorial que l’insistance discursive attribuée à cette personnalisation, notamment lors du rituel de l’hommage au mort. Aussi chacun veut croire qu’il innove. Certes, le texte précédent le soulignait (Cohabiter dans le Rite 8), le propos est inédit, chaque personne étant singulière, et cette forme d’eulogie ne s’exerçant qu’une seule fois à son endroit (quoique j’aie noté dans les années 1990 les analogies avec une tendance d’alors, les « bien-cuits » lors des anniversaires ou fêtes de retraite11). Aussi, en ouvrant parfois de petites alvéoles ignorées à propos de l’existence de l’autre, on peut s’estimer original. Or, une unicité soulignée n’équivaut pas à une nouveauté, si l’on se replace dans le contexte temporel large et long. Or, refléter la musique singulière d’une existence en ne jouant pas des trompettes de l’inédit ne déqualifie pas cet être pour autant. De même pour qui énonce.
Bref, sémantiquement, ce réaménagement n’est pas du registre de l’invention, même si l’activité est mue par les souhaits singuliers et les subjectivités qui déterminent ce réaménagement (j’y viens). À cet égard et à la limite, le terme «rénové» serait plus adéquat. Pour autant, même la rénovation ne peut suivre le fil indolent des modes.
Aussi, entre les nouveautés techniques qui influent objectivement sur le déroulement rituel — mais qui ne sont justement pas de l’ordre rituel — et la conviction martelée du caractère constamment inédit de nos contributions, jusqu’à la «révolution» par nos soins de la ritualité, qu’est-ce qui pourrait motiver une telle insistance sur l’innovant, qui touche parfois au culte ?
L’argument de la signification individuelle, puissant et… limité
De quoi donc est investi le terme « nouveau rituel » pour qu’il devienne si prégnant ? Je viens d’en toucher mot, à partir du refus du corps inerte en tant qu’il personnifie pour notre culture la chute radicale de l’individualité. Pour des sociétés marquées par l’ultra individualisme, cette chute est intolérable. Habile raffinement de nos modes de défense, et au surcroît impensés, nous, si originaux, réagissons sur le mode du même, cette fois en exhaussant l’objet de ce refus : l’individu. La personnalisation du rituel comme label de nouveauté s’en trouve forcément magnifiée.
Ce mouvement qui se révèle lors du temps rituel contribue à l’attribution de sens aux mondes, en amont : le sens que nous offrons à la mort est ainsi devenu ardemment individuel, au gré des subjectivités. Entendons bien, la subjectivité est éminemment concernée lors de ce moment-clé de l’existence et dans ses représentations en amont. En cela, chacun s’en trouve toujours nouvellement remué. Mais autre chose est de faire de cette subjectivité individuelle centrée sur soi l’unique vecteur du sens global et rituel.
J’ai évoqué en première section de ce texte l’exigence de notre modernité d’ériger le rite funéraire (notamment par le lieu) en évènement significatif pour soi. «Significatif» est de tout temps légitime, notamment eu égard à certains éléments hérités, estimés obsolètes, dont on souhaitait s’émanciper. Toutefois, «significatif» s’est lui-même fait phagocyter par l’hypersubjectivité individuelle. Ce processus davantage actif depuis le 19e siècle n’est pas nouveau, mais son emprise, oui. Il étreint toutes les sphères de l’existence et se condense lors de la mort. Cela n’est pas sans conséquences.
Nous tendons ainsi à larguer les amarres relativement à la conception de l’être humain comme institué, c’est-à-dire en bonne part défini — ce qui ne se réduit pas à se définir, soi, ni entièrement — au sein d’une logique historique qui est constellée des autres, par l’entremise aussi des institutions, dont d’éducation : c’est la place de la personne au sein de cette institution, en principe accueillante et égalitaire, qui peut lui conférer son statut de sujet. Ce sujet n’est pas assujetti12, mais structuré et structurant dans un outre-lui-même, dans une dynamique de relations entre des êtres qui ne sont pas que des individus, mais des personnes permettant aux subjectivités — les leurs, celles des autres — de se former et de se déployer. Et de fleurir dans des systèmes de sens généreux par leur amplitude évocatrice.
Il en résulte que les constituantes du schéma-type rituel nous concentrent sur le contenu et sa part d’inconnu, toujours inusité, mais dans un processus connu.
En somme, la sémantique rituelle et son interprétation apportent peut-être de la nouveauté, mais la question se pose de savoir ce qu’elles portent justement comme rétrécissement et atomisation du sens. Il se peut alors qu’elles insufflent un faux-sens. En cela, elles contribueraient à dés-instituer le sujet, et de là, à concourir furtivement à bien des déroutes existentielles qui paraissent non liées à un deuil. Ces mêmes déroutes peuvent faire de la mort la solution pratique à un mal diffus, à un nihilisme devenu trop lourd, à un oppressant sentiment d’impasse face aux problèmes contemporains. Le mortifère crée toujours de la mort et cette mort-là, hors de tout espoir, suscite des formes de mortifère en enchaînements souvent inaperçus : dépressions larvées, insuffisances et inadaptations, dépendances consommatoires, régressions tragiques. Désarroi du désir.
Réinventer la mort ?
Plutôt une proposition :
nous laisser renouveler par elle
Devant de tels enjeux vitaux, il nous faut en conclusion d’abord soupeser la valeur humanisante de toute nouveauté. À ce titre, les questionnements demeurent entiers.
Ils portent en premier lieu sur les enjeux épistémologiques, éthiques et politiques : sur quelles bases le changement se donne-t-il, où conduit-il, vers quel but ou quel futur ? D’où l’analyse du discours même, livrant cette excitation si attirante pour les libellés révolutionnaires, dramatisants, rupturants, acclamant les nouveaux outils et leurs usages hautement sélectifs, dévaluant ce qui contrevient à leurs intérêts : d’où l’exigence pédagogique de positionnement dans l’histoire des idées pour éviter les pensums réchauffés qui s’ignorent plus ou moins. Le problème s’aggrave si le questionnement même des valeurs se trouve déqualifié, comme si l’éthique était soluble dans le pragmatisme et le court terme, en toute ignorance de la vie symbolique et écologique.
Encore une fois, quelles sont les définitions de l’être humain par lui-même et de son rapport aux autres mondes, tels qu’induits de l’intégration de tout apport différent de ce qu’il éprouve au premier degré ? Parmi ces questions sur ce nouveau mythe de notre modernité avancée, « [la perpétuelle innovation ou la clameur insistante de la nouveauté] est-elle compatible avec le maintien des conditions écologiques indispensables à la diversité des processus d’individuation des vivants ? Quelles sont les conditions d’une homéostasie sociale permettant l’épanouissement du plus grand nombre ?13 »
Le questionnement porte ensuite sur le désir profond : en effet, vouloir susciter, voire créer du neuf est chevillé à l’esprit humain; il a permis et permet toujours au réseau neuronal si magnifiquement complexe de justement penser. Par conséquent, la nouveauté n’est pas réductible à un mot d’ordre. Pas plus qu’à une monnaie d’échange pour qui consent à la vitrine du m’as-tu-vu. Le désir d’avancer en se renouvelant est bien autrement simplement relié à la conscience de la mort, celle-là même qui est à l’origine de la pulsion créatrice. Nous méfiant de ses perversions, c’est par elle que nous renouons avec ce qui suscite du vivant, ce vivant à la fois rompu à l’expérience civilisationnelle et surgissant des dynamiques contemporaines.
En guise de de “guet-apprendre” ? Avec sa solide collusion avec le vivant, la mort est la plus vieille compagne des humains. Et puisqu’elle est toujours neuve au sens d’unique, ce n’est pas elle que nous réinventerions, c’est elle qui nous change. Et c’est bien nous qui avons à changer. Nous renouveler en découvrant de nouveaux liens comme en renouant avec ce qui nous éviterait de blesser davantage le vivant. Par angoisse qui nous a fait problématiser la mort afin de la contrôler, discours et péroraisons, techniques et miracles…
Si vieille et si neuve, la mort. Comme si nous ne le savions pas…
© Luce Des Aulniers, professeure-chercheure
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Notes
- PROUST, Marcel (1919). À l’ombre des jeunes filles en fleur, cité par BONTEMS, Vincent (2023). Au nom de l’innovation. Finalités et modalités de la recherche au XXIe siècle, Paris, Les Belles-Lettres, 384 p., p. 7.
- REEVES, Hubert (1998). Oiseaux, merveilleux oiseaux. Les dialogues du ciel et de la vie, Paris, Seuil, 264 p., p. 31.
- On ne saurait déconsidérer ces deuils alors que, déçus, nous aurions espéré. À suivre.
- Ce trait historicisé de personnalisation, cette fois des monuments funéraires, se retrouve également aux 15e et 16e Récits intemporels de cimetières.
- On trouve des repères constitutifs de ritologie depuis le premier millénaire, notamment chez les Brahmanes. Voir DES AULNIERS, Luce (2020). Entrée «Rite et Rituel», Dictionnaire d’anthropologie en ligne Anthropen, Université Laval. Et note suivante.
- J’ai consacré une étude approfondie à la dimension rituelle des pratiques de fin de vie et de deuil qui, entrecroisées, se donnaient à voir dans leur cohérence, notamment en solo, dans Itinérances de la maladie grave. Le temps des nomades, Paris, L’Harmattan, 1997 [1989], 624 p.
- De tous temps, se sont présentés les ministres du culte et les chefs opérateurs des règles sociales, unis dans le contrôle des effets de la mort proche et dans la persuasion d’une “bonne” ou d’une “belle” mort. Sans négliger le réconfort apporté à court terme, néanmoins bien réel par les soignantes. Ces intervenants sont parfois remplacés par ce que j’ai désigné en 2016 comme les «néo-curés» d’une «mort qui me ressemble». Cela vaudra le détour.
- Les codes de conduite lors de funérailles sont légion dans la documentation numérique. Ils ont à leur manière relayé les manuels de bienséance qui consacraient une section détaillée au deuil depuis le 17e siècle. La thématique du vêtement y a large place. J’y reviendrai dans leur polysémie.
- BOILLEAU, Jean-Pierre (1998). « Symbolisme, don et politique », in La revue du M.A.U.S.S _ Plus réel que le réel, le symbolisme, no12, 1998. pp. 148 - 162, p. 154.
- BONTÉ, Pierre, IZARD, Michel (1991). Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, Paris, PUF, 861 p., p. 688.
- DES AULNIERS, Luce (1991).« Des rites funéraires contemporains en attente de leurs vérités », Liturgie, Foi et Culture, Les funérailles, Vol. 24, No. 124, Juin 1991, 12-26. Et suggestion de l’analogie dans 4-6 média.
- DUFOUR, Dany-Robert (2003). L’art de réduire les têtes. Sur la nouvelle servitude de l’homme libéré à l’ère du capitalisme total, Paris, Denoël, 250 p.
- BONTEMS, Vincent (2023). Op. cit., p. 25. [Cf. Note 1, et riches pistes d’analyse].
PROUST, Marcel (1919). À l’ombre des jeunes filles en fleur, cité par BONTEMS, Vincent (2023). Au nom de l’innovation. Finalités et modalités de la recherche au XXIe siècle, Paris, Les Belles-Lettres, 384 p., p. 7.
REEVES, Hubert (1998). Oiseaux, merveilleux oiseaux. Les dialogues du ciel et de la vie, Paris, Seuil, 264 p., p. 31.
On ne saurait déconsidérer ces deuils alors que, déçus, nous aurions espéré. À suivre.
Ce trait historicisé de personnalisation, cette fois des monuments funéraires, se retrouve également aux 15e et 16e Récits intemporels de cimetières.
On trouve des repères constitutifs de ritologie depuis le premier millénaire, notamment chez les Brahmanes. Voir DES AULNIERS, Luce (2020). Entrée «Rite et Rituel», Dictionnaire d’anthropologie en ligne Anthropen, Université Laval. Et note suivante.
J’ai consacré une étude approfondie à la dimension rituelle des pratiques de fin de vie et de deuil qui, entrecroisées, se donnaient à voir dans leur cohérence, notamment en solo, dans Itinérances de la maladie grave. Le temps des nomades, Paris, L’Harmattan, 1997 [1989], 624 p.
De tous temps, se sont présentés les ministres du culte et les chefs opérateurs des règles sociales, unis dans le contrôle des effets de la mort proche et dans la persuasion d’une “bonne” ou d’une “belle” mort. Sans négliger le réconfort apporté à court terme, néanmoins bien réel par les soignantes. Ces intervenants sont parfois remplacés par ce que j’ai désigné en 2016 comme les «néo-curés» d’une «mort qui me ressemble». Cela vaudra le détour.
Les codes de conduite lors de funérailles sont légion dans la documentation numérique. Ils ont à leur manière relayé les manuels de bienséance qui consacraient une section détaillée au deuil depuis le 17e siècle. La thématique du vêtement y a large place. J’y reviendrai dans leur polysémie.
BOILLEAU, Jean-Pierre (1998). « Symbolisme, don et politique », in La revue du M.A.U.S.S _ Plus réel que le réel, le symbolisme, no12, 1998. pp. 148 - 162, p. 154.
BONTÉ, Pierre, IZARD, Michel (1991). Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, Paris, PUF, 861 p., p. 688.
DES AULNIERS, Luce (1991).« Des rites funéraires contemporains en attente de leurs vérités », Liturgie, Foi et Culture, Les funérailles, Vol. 24, No. 124, Juin 1991, 12-26. Et suggestion de l’analogie dans 4-6 média.
DUFOUR, Dany-Robert (2003). L’art de réduire les têtes. Sur la nouvelle servitude de l’homme libéré à l’ère du capitalisme total, Paris, Denoël, 250 p.
BONTEMS, Vincent (2023). Op. cit., p. 25. [Cf. Note 1, et riches pistes d’analyse].