Photographie : ©Émilie DUMAIS/transmise par Rachel BAILLARGEON, Communications,
Le fils d’Adrien danse, tirée de «Entre la rupture, l’effondrement et le renouveau»,
chorégraphie et danse d’Harold RHÉAUME et Étienne LAMBERT, pour Mausolée, 20251.
Cohabiter 14
Créer ou le mouvement dansé sollicité par l’immobilité de la mort : que devons-nous aux expériences pandémiques?
Mémoires, Liens, Recommencements
On entend souvent que la pandémie de COVID-19 a hachuré le deuil, les liens, les rituels. Jusqu’à quel point? Il arrive que des artistes-danseurs, prenant à bras le corps les dérélictions, les solidarités et les traces émues, insufflent aux deuils la beauté généreuse des gestes. Celle qui fabrique une mémoire sociétale tonique.
Si le deuil remue, quel mouvement peut-il mettre en marche, métaphoriquement et physiquement? Essentiellement, la création: ce qui fait exister une découverte. Entre arts de faire et arts de vivre, entre œuvres cernables et gestes sensibles disséminés au cours des jours, quelles figures auraient la propriété de nous animer, de nous émouvoir, de nous propulser?
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À Caroline SIMONIS « Nous avançons en funambules, incertains et convaincus à la fois. (…)
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Ce texte et autres à suivre viendront entrelacer la ritualité, le deuil et la création. Création? Elle ne se résumera pas à l’œuvre tangible associée à un deuil ou à un parcours d’artistes désignés tels. Elle se déploiera dans le mûrissement des silences et des survenues, étranges ou pas.
Nous débuterons néanmoins par cette acception si partagée, ar-tis-ti-que, en entrant dans une œuvre singulière, le projet Mausolée, qui met en relief ce que la pandémie a pu écorcher de nos deuils, à travers la ritualité — souvent discrète — impartie aux processus personnels et collectifs. Ici, ces processus impliquent une médiation originale entre les premiers concernés, les savoirs à propos des deuils et de la pandémie et, évidemment, les artistes, le tout en lien avec le grand public. Cet ensemble a donné lieu à un large mouvement de réflexion sensible issue des bouleversements alors rencontrés. Le corps y est éminemment sollicité, si bien que la danse s’avère bien davantage qu’un langage: elle suscite les mémoires et les soutient. Mais qu’entendre par mémoire? Déjà, la présence autre de qui n’est plus, pour les personnes affligées. Or, si l’on butine hors de nos orbites intimes, on ressent le rappel d’une dette, celle d’un apprentissage à multiples échos. Chaque être y trouve l’éventualité d’en sortir grandi.
En témoigne donc le cheminement à la fois citoyen et artistique généré par l’œuvre offerte en espace public, Mausolée, ce mémorial concret et évolutif présenté à l’été 2025 dans la ville de Québec3 Les assises et arrières-scènes de cette œuvre — évanescente — feront l’objet de cette analyse4.
À tout le moins, nous aurions à l’occasion de la COVID-19 appris justement sur ces mémoires, tout autant que sur le sort des liens de tous ordres et des élans qui permettent de recommencer. Mais quoi donc et sous quelles dispositions?
Voici donc une interprétation de ce que nous devons aux multiples univers mis au jour lors de la pandémie et pour la suite de notre monde, même ignorés par trop d’acteurs sociaux responsables du sort des populations.
Les a priori d’un regard sur ce que
nous devons aux expériences de la pandémie
Trois remarques préalables teintent mon propos.
Les efforts de toute œuvre artistique qui reflètent la teneur du monde
En février 2024, un an avant sa mort, lors de la Biennale de Venise, le pape François déclarait : « L’art n’est pas un luxe mais une nécessité de l’esprit. Il n’est pas une fuite mais une responsabilité, un appel à l’action, un avertissement, un cri. Le monde a besoin d’artistes prophétiques, d’intellectuels courageux, de créateurs de culture.(…) J’enjoins les esprits créatifs à ne jamais cesser de chercher, de questionner, de risquer. (…) Les artistes sont les gardiens de la beauté qui savent se pencher sur les blessures du monde, écouter le cri des pauvres, des souffrants (…), des persécutés, des réfugiés (…). Leur mission n’est pas seulement de créer de la beauté, mais de révéler la vérité (…), de donner une voix aux sans-voix, de transformer la douleur en espérance. (…) Votre don n’est pas un hasard. Répondez avec générosité, avec passion, avec amour5. »
Que, devant cette recommandation si éclairante, nous répondions au plus près des réalités issues des temps de COVID-19, c’est ce que j’interprète du pari de Mausolée, en transmettant au corps social une trace à vivifier. En l’occurrence, ce pari s’élance dans un autre pas de danse, au fil de constats cliniques et anthropologiques impliqués lors du deuil intime et social qu’a provoqué la pandémie. Sans prétendre à quelque vérité, j’invite à décoder certains des soubassements et des suites de cet événement historique.
RESPIRER, thème majeur emmaillé aux récits des êtres endeuillés par la COVID-19.
Au printemps 2020, dans tant de bouleversements vitaux, j’ai été catapultée dans un giga terrain de recherche. En dépit de 45 ans de métier, j’étais ahurie, comme tout le monde. À part écouter et questionner, lire, écrire et sévir avec réserve sur des tribunes publiques, j’ai arpenté en long et en large les parcs des arrondissements montréalais. Beaucoup ont fait de même.
Nous avons alors tous réalisé combien l’air et l’eau sont sources de vie. Mieux,l’air et l’eaunourrissent le principe même de vie. Ainsi ce miracle de l’air fabrique le miracle de la respiration : de sprir, qui est aussi la racine de spiritus, l’esprit. La vie de l’esprit!
C’est cette merveille de l’air, même altéré par le virus, ce sont ces subtiles modulations de l’esprit-cœur que venaient savourer les personnes rencontrées dans ces parcs, au fil des “vagues”. Un soir de mai 2020, une enseignante me glisse : « Le parc respire… ». Elle a exhalé à fond et s’est mise à sangloter, en gros hoquets d’enfant. Elle venait de perdre son grand-père chéri, au bout de son souffle, dans un CHSLD (Centre hospitalier de soins de longue durée). Parmi d’autres refuges pour les êtres fragilisés par le grand âge ou par un état de santé handicapant, cet hôpital dit milieu de vie étouffait sous la confusion organisationnelle et les tentatives d’y échapper, authentiques mais désordonnées. Quand même, son grand-papa avait été soutenu par une préposée « ange » (comme les avait qualifiées le Premier ministre québécois), plus que débordée : un minuscule et furtif filet d’air, mais à la tendresse certaine, telle une figure de désespoir tragique. Oui, en dépit des sauve-qui-peut qui ont effiloché le tissu des responsabilités sociales, il y en a eu, de ces gestes modestes et réconfortants. Ils furent évoqués au cours de rencontres fortuites dans ces parcs, aussi par mes ex-étudiantes sur le front sanitaire et ensuite, par les personnes venues témoigner au projet Mausolée.
La sidération et le désarroi profond prenaient l’avant-plan. Dans le doute d’être, eux, encore en vie, ou plutôt en hésitant sur leur propre survie, ces orphelins, ces veufs, veuves et proches de tous bords tentaient pourtant de trouver un souffle. Ils suffoquaient dans l’air social compacté par tant d’indignités jusqu’à se demander où était passé l’humain : vaille que vaille, ils se débattaient dans ce qu’ils ressentaient comme une asphyxie de leur colère d’impuissance devant les malades et les morts dénudés de leur propre humanité. Qui est aussi la nôtre, à tous.
Instinctivement, pour ne pas trop mourir eux-mêmes, ilsse concertaient. Ainsi plusieurs grappes de proches se rencontraient dans ces espaces-poumons citadins ou ruraux. En mobilisant une énergie accablée, ils avaient réussi à bouger, à sortir de chez eux. À trois, quatre, cinq, intuitivement, ils composaient un cercle forcément restreint, souvent intergénérationnel. Ils bricolaient discrètement des gestes rituels salutaires. En effet, en dépit de leur incrédulité, ils avouaient cette séparation d’avec un aimé. De leur sac à dos, certains sortaient avec précaution un objet familier, chargé d’affects, désormais déshabité de son propriétaire. Concertés, sans objectif performatif, ils offraient à l’autre disparu — en tous les sens — un prodigieux bric-à-brac construit à partir d’éléments glanés sur place. Ils fredonnaient un court poème, tenant des bougies à la flamme vacillante. Hors d’une rationalité étroite, un abri métaphorique s’esquissait et se réaffirmait dans l’air silencieux, épuré. À défaut de trouver une consolation, ces endeuillés actifs se sentaient néanmoins à la lisière de quelque chose de réellement différent: de possible.
C’est que, dans ces parcs, l’air respire. Ailleurs, le boisé et les clairières, l’océan respirent. Et parce qu’ils respirent, nous pouvons entrer en conversation avec eux. Et les imiter.
Et converser en pointillés de silence en des lieux aérés, dans le souffle partagé, ce fut nommé par suite par tant de nos interlocuteurs, dont une participante orpheline, éprise de sons6 : « Le silence? hyper-précieux pour être capable de se réfugier. Tu respires mieux. »Ou une autre, qui marchait en forêt en y retrouvant l’esprit de son fils : « Sa religion, c’était la nature. »
Ces petites voix inusitées dans les clameurs d’appréhension: la remarque d’un enfant
Une fois n’est pas coutume. Au début des années 1990, seule avec mon fils, j’allais en urgence recevoir un vaccin anti-tétanos. Dans la fraîche sollicitude de ses trois ans, issue de ses propres vaccins, je sens sa menotte, j’entends sa voix flûtée : « P’ends un gand’… espi-ation! ». L’infirmière et moi avons souri. Nous savions ceci : si la respiration se maîtrise et se module, elle ne se commande pas. Elle obéit à une loi autonome du système nerveux central. C’est parce que ce système nerveux se dégrade par paliers que certains mourants cherchent leur air, de toujours.
Néanmoins, prendre une grande respiration demeure un principe éprouvé et pas uniquement dans la philosophie orientale multimillénaire ou les thérapies corporelles de tous ordres. C’est que respirer grand dilate la disponibilité à ce qui est et à ce qui vient. Ainsi en est-il de ce sentiment si vif de l’importance du moment singulier, greffé aux fins d’existence d’aimés : « ...Je lui ai dit à l’oreille, doucement. ». Il arrive alors que nous honorions une dette symbolique, liée à l’échange interactif entre humains, échange si bellement porteur d’aimances.
Ce que nous devons aux victimes
et tout autant, aux générations
En 2023, 674677839 personnes auraient été infectées par la COVID-19 dans le monde. Plusieurs lecteurs en font sans doute partie. Mais nous sommes toujours là! À ce moment, l’Organisation Mondiale de la Santé recensait quasi sept millions de morts à travers le monde. D’autres sources solides estimaient à 23,8 millions les victimes du SRAS-Cov 2 (The Economist, The Lancet ). Le Québec comptait alors presque 20 000 décès, dont plus de la moitié en 2020-20217.
Où et comment s’inscrit la mémoire corporellede toutes ces pertes humaines?
Si on explorait la question moins sensationnellement que les médias de tout format ont été tentés de le faire? Au fond, cette expérience ne serait pas que souffrance. Elle est d’évidence souffrance rencontrée et tuméfiée pour tous les êtres subitement confrontés à la mort lors de cette période. Et nous tous, atterrés par les décomptes d’une mort de masse qui engloutit nos précieuses singularités. En fait, cette massivité confronte brutalement une tendance moderne, l’oubli de notre précarité, pas mince affaire. Ce fut aussi en cascade une expérience dans laquelle se sont carambolés des troubles physiques, psychiques et relationnels, plus ou moins dormants en chacun de nous. Ces lourds préalables, réveillés dans la confusion, voire l’épouvante, souvenons-nous, ont aussi contribué au sentiment de saturation de la réalité. C’est que nous savions intuitivement que la COVID-19 avait sabré brusquement dans beaucoup de nœuds relationnels et socio-institutionnels, souvent les resserrant, parfois les desserrant. Or, qu’a-t-on fait de ces nœuds? Qu’en faire?
Autrement dit, englobant ce qui afflige nos parcours individuels, se trouve un donné socio-anthropologique qui aide à comprendre notre effarement tout comme nos modes de défense. « Tous ensemble, mais séparés », remarquait une participante au projet Mausolée. Allons explorer cette étrangeté, en deux actes.
PREMIER ACTE.
Respirons l’air collectif d’un contexte qui nous englobe… « tous ensemble »
Tout contexte global ne fait pas qu’orienter les styles de vie. Il puise dans le temps. Depuis plusieurs décennies, nous ressentons que les individus ont peu à peu porté sur eux le poids des échecs collectifs. Non pas que tous les projets collectifs aient été des échecs. Loin de là! Mais la complexité à maints registres des problèmes actuels n’est pas forcément prise en compte par les tenants d’une mentalité technocratique, entre autres à un point où les lacunes de services publics se multiplient. Cette complexité du même coup non traitée par des compétences réflexives se déporte largement vers les choix des individus, par ailleurs plus ou moins désamarrés d’une communauté. Dans cette nouvelle religion qui, avec le profit, imbibe les réflexes, chacun de nous est alors laissé à ses aptitudes, ses talents, ses réseaux et à ses propres fantaisies auto-gratifiantes, quand ce n’est à ses fantasmes.
Les paradoxes flottant symboliquement
Il n’empêche : le fonds de l’air, l’air du temps, comme on dit. Cet univers macrosocial nous forge davantage qu’on peut l’estimer de prime abord. Et la COVID a mis au jour quelques molécules symboliques de cet air du temps. En quoi? Ce qui aurait été source de détresse globale, ce ne seraient pas que les morts affolantes. Pas non plus que les métiers désertés par leur public. Non plus que les isolements soudains, quarantaines et confinements de santé publique, pour certains bienvenus, pour d’autres, synonymes de calamité. Non, ce qui aurait été source de détresse et aurait par conséquent alourdi nos deuils, c’est l’irruption de la violence symbolique dans nos existences. Paroles de participantes: « Du jour au lendemain, plus rien. Tu sais pas ce qui se passe », et puis « T’as l’impression d’un monde séparé en deux: des humains bienveillants, puis des robots. Deux clans! »
En soulignant ces aspects qui ne résument pas pour autant l’évolution des crises, ces propos définissent justement la base de toute “crise”, à savoir une rupture, une séparation,voire un inconnu perturbant. C’est que la pandémie a douloureusement mis au jour un paradoxe de civilisation. Lequel?
Les caractéristiques imparables du virus, en soi violentes, se sont soudainement entrechoquées avec des aspects apparemment bien intégrés de nos modes de vie nord-occidentaux dominants. Voici quatre indices de ce paradoxe.
1er) d’un côté, un virus invisible et imperceptible alors que, de l’autre, nous clamons la “transparence” des intentions et le tout-vu, le tout-montré d’une croissance accumulative;
2e) d’un côté, un virus imprévisible tandis que de l’autre, nous valorisons le contrôle à travers techniques, procédures, assurances et conforts de tous ordres;
3e) d’un côté, un virus frappant massivement et, pour la première fois dans l’Histoire, simultanément sur la planète alors que de l’autre côté, nous tendons à priser les individualismes subjectifs en silo;
4e) d’un côté, un virus au comportement incertain, nous faisant entrer dans un temps flottant, indéfini alors que nous privilégions un temps planifié. Bien plus, pour beaucoup, le ralentissement obligé, voire la suspension de tant d’activités courantes a fait figure d’immobilisme… apparenté à la mort.
Bilan? Comme devant tout grand paradoxe, nous avons été désorientés. Plus encore : nous avons été ébranlés par une dissociation cognitive entre d’une part, le comportement viral ET, d’autre part, nos comportements collectifs convenus. Autrement dit, nous étions collectivement troublés par ce que nous ressentions confusément comme bizarrerie puisque, dans son totalitarisme de l’absurde, la COVID-19 a percuté le mur de nos catégories mentales, celles qu’on ose difficilement fouiller. Dissociés que nous étions au plan cognitif, nos stratégies de défense se sont activées avec vigueur. En exemple du meilleur des cas, une participante ajoutait au constat des séparations vécues simultanément par tous : « Nous devons travailler ensemble. » Justement.
Les molécules symboliques de l’air et les iniquités bien concrètes
Après coup, et puisque toute crise peut générer des développements civilisateurs, travaillons ensemble à rebâtir. Et pour ce faire, examinons de plus près ce qui a constitué tous ces aérosols, en entrelaçant l’oxygène avec ce qui soutient les mentalités culturelles en termes de molécules symboliques.
Si l’on suivait d’abord l’idée des perturbations de l’air respiré par tout vivant? On sait que les dévastations des aires de vie ne datent pas d’aujourd’hui. Puisons encore dans les contextes temporels. Ainsi, dans nos Amériques, l’air manquait déjà aux mineurs-esclaves autochtones qui trouaient les montagnes dès le 15e siècle pour débusquer or et argent au bénéfice des nations conquérantes8. Or, en dépit des promesses démocratiques, de telles injustices et d’autres se sont creusées depuis. Elles aboutissent pour trop d’humains à l’absence du pouvoir élémentaire afin de déterminer leur existence. Entre autres, les polluants de tous ordres ont amplifié les inégalités des conditions de vie. Par conséquent, à la différence des épidémies et des pandémies précédentes, lorsque les polluants chimiques se mélangent non seulement aux pollens mais aux aérosols du SRAS Cov2, cette soupe délétère laisse bien peu de chances. L’inflammation des voies respiratoires a ainsi été scandaleusement incontrôlable dans les régions industrialisées et riches, comme en Italie du Nord. Elle l’a été davantage dans des pays où les populations affectées par la pauvreté et la marginalisation vivent dans les zones les plus insalubres, notamment en Asie du Sud-Est.
Cette question des conditions de vie nous entraîne forcément vers ceci : dans l’air ambiant, cette fois plus métaphorique, comment ressentons-nous notre respir9? L’impossibilité de choix réel des conditions de vie peut éventuellement nous faire préférer la mort. Cette impasse pourrait être masquée par le drapeau de la dignité des choix réputés personnalisés. La dignité deviendrait dans ce cas une adaptation individuelle aux déchéances sociales dont la compréhension nous échappe, intentionnellement ou pas. Dignité des sois, une sorte de mot de passe amnésique devant la déforestation, l’urbanisation débridée, l’exploitation intensive du sol qui en appellent dans leur cri trop muselé à une dignité infiniment plus large, celle de la terre et de l’eau. Celle de l’air.
Le lien social à re-dignifier
Or, ces phénomènes embrouillent le lien social. Celui-ci ne se valide pas d’abord dans les 5 à 7 ou dans nos conversations badines, si agréables et toniques que soient ces moments. Il ne se réduit pas non plus à l’entrecroisement des individus ou même à leur agrégat ponctuel, au gré de nos intérêts occasionnels.
Le lien social s’explique simplement du fait que les humains sont par essence des êtres sociaux. Ainsi, nous nous lions les uns aux autres sur la base de ce nous estimons pensable et désirable10. Le lien social naît donc d’une union et d’un désir de commun qui réclame le souci de chacun. De cette manière, les humains instaurent des regroupements, des institutions qui modulent les règles d’action et définissent les savoirs.
Ces liens sociaux sont mouvants. Leur santé réside dans la prise en compte de ce qui leur est extérieur et différent, incluant la nature, incluant l’imprévu. Or, les liens sociaux sont tout autant vulnérables que nos liens affectifs essentiels parce qu’ils procèdent d’un sentiment intime de loyauté envers ce à quoi et à qui l’on est attaché. Ils procèdent donc du don et de la solidarité.
C’est pourquoi les liens oscillent toujours entre le plaisir que l’on réclame et goûte au temps présent et l’obligation envers le futur. Projetés dans le temps, les liens désignent ce sentiment de responsabilité envers ce qui n’est pas soi, même contraignant. Cette complexité irrigue le développement de chaque être. Nous savons combien, le lien, autant social qu’intime, se forge à travers les rencontres, relayées et nourries par les manifestations de la culture : les avancées humanisantes des techniques, les rassemblements, festifs ou pas, les processus décisionnels des groupes et organismes, les balises institutionnelles structurant audaces et limites, les retrouvailles autour d’une table, l’assistance ou la participation à des prestations, lesquelles, sans prétendre être un “événement”, n’en demeurent pas moins marquantes. Et ainsi de suite. Tant et si bien que tout lien est à la fois une réalité empirique, vérifiable, et une représentation mentale de ce à quoi nous engagent nos relations. Tous les liens contribuent éminemment au sens de la vie, à son liant, qui n’est pas forcément préhensible en mots. Se réitère du même coup la vertu de toute création, on le développera ici et au prochain texte.
Bref, le lien nous fabrique, idéalement libres et conscients, et nous garde en vie. Lorsque le lien se distend trop, le désir de vivre vacille. Il se cherche parfois dans des conduites erratiques et consommatoires. Et il arrive que des êtres basculent dans un syndrome de glissement qui fait mourir d’isolement et de chagrin.
Ainsi, lors de la pandémie et par la suite, on a beaucoup dit que le lien social avait été malmené. Dans ce contexte, quels faits ont heurté notre bon sens quotidien? Soulignée d’emblée, la difficulté de traitement et la lacune de soins, en dépit des formidables intervenants.es de première ligne dont on méconnaît encore largement le labeur.
Et au plan des conduites sociales conséquentes à la pandémie? Chacun a alors pu subir le manque de compagnie en chair et en os, particulièrement dommageable pour les générations aux lisières de l’existence. Cette absence sensitive a tronqué notre perception des émotions des autres. Tant et si bien que, depuis, plusieurs conduites sociales traduisent des difficultés interactionnelles dont ne témoignent pas seulement les fissures d’amitié. Ces difficultés évoluent dans deux directions.
D’une part, l’on aura noté dans le discours courant la prévalence du terme « bienveillance », qui désigne une légitime aspiration et gomme parfois la réalité de son absence : comme d’autres, le terme deviendrait en ces cas un mot de passe incantatoire. On assiste en revanche à maintes initiatives conviviales et inventives qui cherchent à améliorer la vie de quartier, comme aussi les recours pour les sans-abris ou la mise en commun des ressources locales. Ou encore le souci des victimes de traitements de conflits belliqueux et plus que jamais débilitants.
D’autre part, qu’observe-t-on des conduites sociales? Beaucoup de nos concitoyens éprouvent depuis la pandémie une difficulté à composer avec les tensions, tout en glorifiant les jugements catégoriques et les rivalités sur-stimulées par un calcul à courte vue. Beaucoup ignorent les efforts collectifs vers plus de justice distributive des richesses et des prérogatives. Beaucoup aussi se replient sur eux-mêmes en se référant surtout, voire exclusivement à leur moi ou à ce qui lui ressemble. Comme si la vie en société hors des circuits-écrans de consommation devenait pour eux plus dangereuse, justifiant notamment les safe space. Dans la foulée, il leur arrive de rejeter l’autre, tout en devenant davantage victimes consentantes de mécanismes primaires d’évitement devant l’angoisse diffuse; on peut ainsi comprendre les fuites en avant, par exemple en étant obnubilés par la technoscience, son discours et ses usages.
Or, ce déni de ce qui n’est pas soi ne fait pas disparaître le mal-être qui ébranle notre appareil psychique. Car notre psyché collective est coincée dans le fossé entre les promesses illimitées du tout-à-l’industrie du fantasme ET nos réalités matérielles, remises à l’avant par la crise11.
Ce qui peut aussi inquiéter, ce serait le laxisme ordinaire répandu, nonchalant, soumis à une sorte de fatalité imparable ou de fatum que ne nous auraient pas envié quelques sociétés anciennes, alors que nous nous moquons de leurs superstitions. Quel est donc ce fatum? Le « c’est comme ça, il faut bien s’adapter. » Outre l’adaptation nécessaire et à évaluer, ce sens de la fatalité débute lorsqu’on normalise les anomalies du lien social à un point tel qu’on les minimise ou qu’on s’en désintéresse carrément (du type « Les vieux, les Alzheimer, faut bien qu’ils décrochent! [sic] »). Cet abandon de la capacité de penser aboutit à une indifférence ou à ce que je viens d’évoquer, le refus de considérer dans les faits la différence de l’autre, quel qu’il soit.
Il se trouve que ce lien social ambigu a pu alimenter les zones d’ombres de plusieurs systèmes dirigeants, ce qui les a amenés à davantage gérer les difficultés de cohérence organisationnelle qu’à se montrer des leaders éclairés. Dans cette logique, ils préfèreraient nier les réalités douloureuses associées à la pandémie en estimant que l’économie énergétique de notre appareil cognitif passe par un pseudo-effacement des traces. J’y reviendrai.
Ce qui est finalement gravissime dans ce decrescendo des sensibilités communautaires multimillénaires basiques, bien sûr à géométrie variable, ce serait l’insensibilité devant ce que l’on laisse endurer aux autres, partout sur la planète. À savoir ne plus se préoccuper de soin minimal consistant à permettre à tout être de se vouer à son premier devoir envers lui-même: respirer.
En résumé, derrière l’hécatombe, les victimes de C-19 ne souffraient pas que de détresse respiratoire appréhendée. Dès les premiers germes, déjà fragilisées, beaucoup redoutaient la détresse partagée dans nos sociétés concernant les difficultés à vivre, les sentiments récurrents d’inadaptation, les lenteurs voire les absences de réponses aux requêtes légitimes, les fins de vie bâclées. Elles redoutaient donc les conditions concrètes entourant la mort, largement générées en société, même en nos contrées prétentieuses de qualité de vie supérieure.
Ainsi, au vu des iniquités qui sévissent partout dans le monde, nous tendrions peut-être à expirer à force de dates de péremption et de se sentir laissés pour compte. À la fois victimes et contributeurs de cette idéologie dominante, nous sommes subtilement intimés de calibrer nos décisions à l’aune du bénéfice visible et immédiat. Celui-là même qui met en scène quelques pulsions d’emprise (salut à Freud12 qui en a amorcé la théorie) conduisant aux désastres planétaires. Déjà, dans cette nuée idéologique, l’air nous était restreint.
Dans ces contextes, la COVID a été la pandémie qui nous a révélé une épidémie montante, celle des dominants agités qui nous prennent notre air, l’accaparent, nous le volent.
Certes, les dits contextes ne résument pas notre monde, mais ils l’altèrent furieusement. Nous le ressentons tous, sans nécessairement nous y arrêter. Dès lors, une question émerge : comment une personne, reposant sur ce qui devient son lit de mort, peut-elle respirer et alors, résister? Penser à résister? Inspirer, expirer, basiques. Se donner cet élémentaire, puis se donner de l’air, le demander, le donner aux autres. Et espérer? Comment cet espoir trop trahi se joue-t-il en chacun de nous? Maintenant et demain?
SECOND ACTE.
L’air ambiant en ses alvéoles à percevoir et à décoder
Ciblons nommément les thèmes annoncés en titre : liens, mémoires, recommencements. Je joindrai à chacun d’eux une action. Ce qui constitue ainsi trois duos d’apprentissage fait écho aux trois duos du projet Mausolée, unissant chorégraphes et danseur, danseuses, appelés à transposer en mouvances émotives ce qu’ils recevaient de l’analyse des expériences de nos premiers interlocuteurs privilégiés (voir notes 3 et 4).
• DUO #1: Les LIENS qui s’accolent au DON : se lier, se donner, s’inter-relier, s’inter-donner
Comment articuler cette relation entre le lien et le don, déjà évoquée à propos du lien social?
Lorsque nous donnons, nous signifions que nous accordons de l’importance à la reconnaissance entre humains. En reconnaissant l’existence et la place de l’autre, nous nous lions les uns aux autres à travers ce que nous offrons. Le don devient ainsi une tierce partie entre humains, un trait d’union symbolique. On peut offrir de l’immatériel, de l’invisible, pourtant immensément ressenti: un regard, une écoute et une question qui en découle, une strophe poétique, une promenade bras dessus, bras dessous, une mélopée impromptue, un repas improvisé, des bras ouverts… On crée un micro-monde. On est littéralement dans l’engagement par le corps, comme si on se donnait par lampées. On peut offrir du matériel, un petit quelque chose, un livre, un objet charmant ou utilitaire.
Quels sens pluriels et à échelles variables revêtent ce geste, cet objet, ce tiers liant entre deux êtres ou deux groupes? En signifiant que l’existence de l’autre nous importe, l’on donne ce que l’on est. Même en offrant peu, on manifeste l’essence de ce qui nous construit. Donner n’est pas forcément cérémoniel ou ritualisé, encore moins spectaculaire. Ce qui anime intrinsèquement le don, c’est que le geste est senti et réfléchi. « Investi »13.
Ce don symbolise l’engagement mutuel offert et contre-offert dans l’espérance d’être, d’être bien et d’être mieux. Il passe par l’échange des êtres, de leurs corps-esprits. Respirants : puisque « respirer c’est éprouver que l’on doit le fonctionnement de son organisme à beaucoup d’autres, qui nous le doivent à leur tour14. »
Don et contre-don dans les expériences de la COVID-19
En quoi le don a-t-il été entamé durant cette période? On a beau savoir ou pressentir que le don que l’on s’insuffle mutuellement forme une union qui n’est jamais parfaite. On a beau sentir que les désirs de s’engager envers le monde, en élan de partage, ne sont pas toujours au même diapason pour les uns et les autres, ni jamais uniquement pénibles ou uniquement réjouissants. Il n’empêche : à l’encontre du cadeau si élémentaire de présence tangible, la COVID fut un coupe-don radical.
Fondamentalement, les premiers concernés et leurs proches se sont abruptement heurtés à une perturbation inusitée de ce don mutuel. En contre-nature du souffle, qui va de soi pour nous tous. Nous avons d’abord été surpris par la peur qui nous taraude de contaminer l’autre et par l’appréhension de l’imputabilité, advenant que nous soyons un agent de transmission. Chacun a dû se replier dans son cocon, pas forcément ouaté. Beaucoup des éprouvés ont ainsi été pris dans les filets de la culpabilité. À propos de quoi? Coupables ne pas avoir osé enfreindre les interdits de contacts lors de l’agonie de l’être cher. Coupables de ne pas avoir salué son corps, désormais inanimé. Coupables d’avoir été tenus dans l’ignorance du trajet de sa dépouille, qui n’est jamais dépouille de rien, même si on aurait tendance à le croire. Bref, charge accablante alors que, de fait, les survivants y sont pour bien peu.
De leur côté, celles et ceux qui sont morts pour cause de vivre auparavant fragilisés, malmenés par les tempêtes pulmonaires, vivaient une détresse psychologique propre à qui endure sans trop savoir de quoi il retourne. Cette souffrance muette fut doublée de détresse relationnelle, du fait de l’isolement d’avec leurs proches, on ne le sait que trop. Or, faut-il le rappeler? La détresse relationnelle frôle a priori toute personne qui se sent “partir”, puisque c’est d’abord elle qui est confrontée à la séparation d’avec ce qu’elle fut et d’avec les liens qu’elle avait tissés, même bancals. Universellement, cette conscience du deuil de soi, même non énoncée, est d’une richesse dynamique inouïe.
Pour peu qu’on la laisse émerger, elle donne parfois lieu à une appétence relationnelle15, un élan singulier vers l’autre, un désir d’ultime partage. Une sorte de don de sa vie. Il s’agit alors de cueillir cette vie-là, ne serait-ce qu’en écoutant respirer l’autre. Et ce respir de l’esprit et du corps qui se délitent est réchauffé par le viatique servi par le respir même de proche(s) au chevet. Bien sûr, il “s’amène”, le dernier souffle... Expirer au sens de rendre l’âme. De redonner au monde une forme et une part de son propre être, tout bonnement. Les générations nous devançant auraient simplement partagé cette lueur vitale. Sans discourir.
« Expirer », le mot est gênant. Il fait peur. Pour répondre à l’injonction sociale d’une mort obligatoirement décontractée, le terme est perçu comme vieillot et déclassé, curieusement depuis que le climat est devenu irrespirable pour maintes populations. Il nous est moins permis d’expirer sainement. Il se trouve ceci: lors de la COVID, les premiers concernés et leurs proches ont senti que ce double mouvement, inspirer-expirer, donner et recevoir, se lier dans le souffle, même ardu, que ce double mouvement basique de la respiration a été mis en défaut. Chacun de son côté a donc dû mobiliser l’espoir et même se figurer que, dans la brume terminale, ce qui fut la profonde beauté, la vérité des liens nourris bien avant auront balayé le sentiment d’être trompé, et en prime, sans recours. Par la suite, les survivants ont essayé de retrouver la ferveur fondatrice du rituel de funérailles, même distanciées et policées. Chacun a bricolé et, comme au parc, la symbolique d’une flamme de bougie s’est élancée. Partout. Mais il y a davantage. Retour au don.
Le tiers-offert, cette richesse
Bien avant la pandémie, l’aveu de nos émotions, comme leur apaisement, passe souvent par l’objet, ce tiers-offert. Lors des rencontres de tous les protagonistes de Mausolée, des objets furent présentés. Présencés. L’air est alors enrichi. Présence de quoi? J’ai souligné plus haut combien, dans tous les cadres, un objet représente plus que son usage. Dans un cadre mémoriel, il acquiert une palette de significations, aisément reconnaissables. Il peut entrer dans la roue de la gratitude en ré-offrant un cadeau offert jadis par l’autre; l’objet peut également condenser ce que nous semble avoir été l’autre de son vivant; il peut aussi traduire le manque et, par cette voie, marquer l’importance édifiante de cette relation-là; enfin, l’objet offert peut signifier ce que soi, l’on désire garder et faire grandir d’un legs pour, plus tard, saluer le lien renouvelé qui se découvrira.
Singulièrement, beaucoup objets rapportés à Mausolée expriment le désir de lien qu’adressait l’être qui n’est plus, ce lien du “nous” qu’il réconfortait. Dès lors, ces dons postcovidiens symbolisent quelque chose de différent, davantage chargé que les objets saluant les circonstances de séparation moins tragiques. Ces objets que nous offrons suite à la crise sont lestés d’une dette envers l’autre, envers ce qui n’a pu être partagé avec lui, lors de sa fin. Ils crient ou pleurent l’inabouti du don et du contre-don à cause de la difficulté, voire de l’absence d’une vibration physique en unicité. En cela, et pour tout don de soi en présence, ils réclament une forme de réparation. Un cadre ou un écrin pour ce faire. Voilà peut-être ce pourquoi les vibrations issues des corps mobiles et mobilisés en ce Mausolée, se référant à ces expériences, nous rejoignent autant.
S’ouvre ainsi la voie qui nous éloigne de la réaction de compensation valorisée par la culture dominante. Car réparer, ce n’est pas remplir compulsivement un vide que l’on fantasme de fuir. Réparer, c’est s’aventurer à imaginer quelque chose de mieux en acceptant d’abord de buter sur ce qui afflige, en affrontant nos émotions et nos représentations et en les questionnant. Réparer, c’est réaliser combien nous résistons à l’insidieux effet angoissant de la mort, de toute mort, en nous tenant justement en liens tout au cours de l’existence. Et ces liens nourrissent la capacité de traverser la survie et d’imaginer la vie, autant que la vie de toute relation, sous la “coupole” du vivant. Revoici la création qui l’irrigue.
Au bilan, avec la disparition affolante de nos proches, nous avons été obligés de mettre cet imaginaire à plein régime. Et l’imaginaire est bien peu de chose sans la mémoire.
• DUO #2: Nos MÉMOIRES qui se greffent au DEUIL
Avec la COVID, on a beaucoup parlé de deuil retardé, de deuil suspendu, de deuil traumatique, voire de deuil impossible. Sans pouvoir ici nuancer chacun de ces diagnostics, parfois lancé à l’emporte-pièce, je me limiterai à ceci. D’abord, ce fut un deuil ébréché du fait qu’il a été pour beaucoup différé 16. Cette distanciation temporelle et espacielle ne le rend pas forcément bancal et encore moins « pathologique ».
Ensuite, rappelons que tout deuil est tributaire d’une série de facteurs qui tiennent d’abord aux circonstances des décès. L’on sait comment la brutalité de l’irruption a déchiré nos illusions d’omnipotence, qui sont à la fois individuelles et fort prisées dans une idéologie mondialisée. Or, ces illusions de toute-puissance ou de sans-limite contribuaient depuis plus d’un siècle à ce que nous évitions la réalité de la mort, lorsqu’elle se produit comme lorsque sa conscience affleure un beau matin. En prime, ces illusions nous enveloppent d’un brouillard mental, si bien qu’il est structurellement difficile de discerner entre ce qui est mortifère et ce qui est “vivifère” (de mon cru). Parfaite forme de leurre, le culte du blingbling surpuissant et sans limites serait ainsi devenu le virus le plus répandu.
Un deuil amplifié par le refus social structurel de deuil
Dès lors, renoncer à cette toute-puissance, brider notre fantasme d’illimité, discerner une juste puissance, c’est forger le principe même du deuil. Par conséquent, du simple fait que les molécules idéologiques triomphantes ignorent leurs limitations, que s’est-il passé en 2020? Se sont combinés le sort collectif du deuil — en fait ce non-deuil diffus préalable — et la contrainte au deuil, généralisée, indifférenciée.
Le non-deuil de notre illusion de toute-puissance PLUS l’omnipotence de la COVID tueuse, même relative, ont pu sursolliciter nos vieux mécanismes de défense en enflammant les réflexes de fuite en avant, entre promesses de tout changer et retour à nos vieilles pantoufles.
Mais attention, cette surcharge qui pesait entre, d’un côté, le statut dominant d’évitement systématique de la mort et, de l’autre, son contraste violent par temps de COVID, n’a pas vaincu notre aptitude à choisir de vivre. Et ce, même si, comme je l’ai dit, le mal-être dans le fait de survivre à une catastrophe primait chez les endeuillés. Et peut-être pas seulement chez eux.
De fait, la soudaineté et la massivité ne sont pas sans laisser des traces. Trop d’afflux de morts frappe par le nombre de pertes. Et dire « pertes », c’est ne pas considérer la singularité de chaque mort. Ce que nous avons perdu en singularités, nous ne l’avons pas rééquilibré socialement. Une première difficulté a donc surgi dans la charge des décès et, justement pour cette raison, a enclenché socialement une forme d’anonymat, d’acceptabilité, puis d’habituation. Or, l’horreur devenue habituelle atténue notre capacité de deuil, du moins de deuil collectif.
Justement : le deuil collectif n’équivaut pas à une déploration statistique effectuée par des gouvernants, pas plus qu’il ne se résume à une cérémonie protocolaire à la fin de l’an 1. Pour toute société, le deuil social dans sa dimension collective s’amorce lors de la reconnaissance énonciative de la mort des leurs par une communauté. (Voir entre autres Cohabiter 9 sur les indices rituels.) Soulignons à cet égard deux phénomènes opposés.
Primo, dans maintes contrées, les devoirs des dirigeants, des associations diverses et de groupes citoyens ont fusé sous de multiples et ferventes prises en acte de ces dérélictions. Au Québec et au Canada, certaines initiatives locales ont eu cours discrètement lors de cérémonies d’adieu et de mémoire, initiées par les milieux de soin et des organismes communautaires ou funéraires.
Secundo, nous avons en revanche subi le mutisme des décideurs politiques et socio-sanitaires à propos d’une ritualité de prise en actes collective des effets de ces décès, qui aurait été suivie d’une inscription pérenne dans l’espace public. Un signe concret sans lequel il est bien difficile d’évoquer et de formuler les pertes entre nous. Lien toujours. En fait, la responsabilité d’officialiser une issue digne et de déclarer une commémoration sociale fut repoussée dans les limbes. Elle n’a pas été constituée par les pouvoirs publics. Comme si l’exigence de passer à autre chose oblitérait ce qui s’était réellement passé.
Pour le dire sommairement : il n’y a pas eu ou bien peu de deuil social, par définition reconnu tel. Comme le deuil social accrédite et encadre pour une bonne part le deuil intime, nous nous sommes trouvés démunis et encore davantage choqués. Double choc en échos: sous le mode de l’incrédulité de chaque histoire de vie enlevée en l’occurrence ET sous le mode offense devant le vide de soutien institutionnel, collectif, politique, supposé garant de lien social.
Et c’est précisément cette lacune de responsabilité que Mausolée cherche à réparer, à sa mesure et avec ses limites. Réparer en contribuant, en permettant aux uns et aux autres de contribuer et en saluant cette contribution. Et en tenant compte du vœu légitime de quiconque se sait touché dans sa précarité de vivant.
Il n’en demeure pas moins que tout deuil suit son propre cours, même normalisé jusqu’à en être banalisé. Encore plus qu’auparavant, ce qui importe ici, c’est davantage sa dynamique que ses étapes ou leur durée. Nous revenons donc à la palette des éléments qui contribuent à ce processus et constituent autant de facteurs de protection pour la santé mentale.
Symboliser, toujours, et des formes rituelles réelles
En sus des circonstances provoquant un décès, mais toujours au registre de son occurrence, les humains cherchent à symboliser la séparation en la marquant et en y élaborant un sens. Pour ce faire, ils s’entendent sur faire quelque chose et surtout sur les actions à prendre et sur le choix des matériaux qui leur sont transmis pour élaborer ce sens. Des millénaires d’existences humaines à leur terme ont ainsi été saluées par le rituel funéraire. Avant de chercher à consoler directement les endeuillés, le rite de mort veille sur eux en les accréditant comme acteurs sociaux (alors que ce fut particulièrement tronqué lors de la pandémie.) Comment?
Le rite funéraire prend acte de la réalité de cette mort-là et élabore des formes de sort à l’adresse du corps en lien avec des principes spirituels, âmes, mânes ou leurs équivalents selon les mythologies de la finitude. À nouveau, ce rituel de funérailles signe l’entrée dans le deuil social qui englobe et reconnaît le deuil intime en faisant de nous des êtres reliés à nos relations les uns avec les autres, en divers cercles. Plus important encore, il nous relie avec divers mondes, physiques et métaphysiques que nous reconnaissons par l’entremise du rituel17.
Lors de la récente pandémie, le propos général a insisté sur les lacunes, voire les absences dommageables des rituels formels. Mais on a largement moins considéré les rituels improvisés, discrets et informels qui reprenaient sans le savoir certaines poussées universelles de la ritualité, déjà évoquées, par la flamme, aussi par le cercle, le chant, le don d’objets, la référence à la sagacité de nos devanciers… et par l’intégration de ce vide affectif au sein du plein de la nature.
En outre, ce que le rituel de mort met en branle et renforce, c’est la possibilité d’être accompagné. Cet aspect influe d’emblée sur le parcours de deuil. Ce baume-là a évidemment été anémié dans la cruauté de l’isolement sanitaire, parfois social, au sens de contacts élargis. En revanche, dans la durée des quotidiens distendus de la crise covidienne, tout ne fut pas abîmé. Les technologies de communication ont explosé comme un ersatz. C’est mieux que rien, a-t-on entendu. Assurément. Surtout, un inaperçu est apparu dans sa grâce : les êtres en deuil déplorent souvent que leurs divers entourages n’aient pas le temps de les écouter. Ici, des formes d’accompagnement solidaire furent renouvelées : le temps d’entendre, de transmettre des mots d’appui18 et d’effectuer des gestes de soutien, même en distanciation physique, a été justement ouvert, dégagé de certaines obligations liées à nos rencontres sociales coutumières.
L’assise renouvelée du principe de deuil et du lien
Par ailleurs, ce qui a rendu le deuil moins ardu lors de la COVID-19, ce furent d’autres réalités des parcours de vie qui agissaient comme atténuateurs de choc et donc facteurs de sauvegarde de l’esprit. Car qu’est-ce qui influence tout deuil de manière déterminante? Essentiellement, l’historicité des êtres.
En premier lieu, joue notre capacité, dès la prime enfance, à apprendre que tout dans la réalité ne peut se conformer à nos fantasmes, que nous avons à composer avec nos frustrations et nos manques. Que nous ressentions comment renoncer à une part de notre volontarisme, cette forme de toute-puissance, aménage une zone de jeu avec d’autres possibles. Or, c’est justement au sein de cette aptitude au deuil “générique” que nous apprenons à penser et à créer. La conscience de la finitude comme condition du vivant peut alors se développer, impactant ainsi nos perceptions de la menace et de la mort. Ainsi, en dépit de l’absence de contacts physiques, la créativité a surgi chez des proches, tels tous ces signes d’amour déployés et agités sous les fenêtres des êtres reclus.
Puis, situé un peu moins à long terme du développement des êtres, qu’est-ce qui peut nous empêcher de nous enfoncer dans le manque d’adieu? J’en ai touché mot concernant le don, c’est la qualité de la relation au long cours avec l’autre. Plus ce fut riche, plus l’arrachement est pénible. En même temps, curieusement, ce sont ces partages passés et remémorés qui font émerger la gratitude à l’endroit de ce lien de vie si structurant. Et étonnamment, le recours à cet amour en vient à consoler une part de nous.
S’ancrer sous un mode mémoriel dans ce lien réciproque passé nous empêche également de nous fixer aux images morbides. En effet, ce lien tranquille ou en zigzags alimente la confiance en l’autre disparu : faire confiance que, même sans trop de recours ni de secours, il ait puisé dans ses propres délicieux souvenirs la force de fermer les yeux définitivement. À nouveau, qu’il ait pu recourir à l’imagination.
Plus précisément, cet imaginaire singulier contribue à la spécificité du deuil par temps de COVID-19. L’entremêlement de sensations et d’émotions a pu être chaotique. La tristesse et l’angoisse du défaut d’échange ont pu nous submerger en réminiscences saugrenues. Comme pour tout deuil, le manque à vif empoigne, l’évocation des vécus partagés fait parfois idéaliser l’autre ou douter de l’avenir. Ces émotions bigarrées sont imparables. Éminemment recevables. De les élaborer va justement laisser place à un quelconque sens au deuil, à savoir renoncer à ce que l’autre soit vivant et, un jour, découvrir un autre lien avec lui et… un autre soi.
Ainsi, que ces images et émotions surgissent spontanément ou soient sollicitées, ce deuil qui nous travaille à notre insu nous fait étrangement trouver notre souffle et, avec lui, notre pivot de ce qui vaut la peine pour la suite de notre petit monde.
Se remémorer ensemble : commémorer, aussi pour la pérennité collective
En ce sens, ce n’est pas pour rien que la sagesse de nos prédécesseurs a institué la commémoration, ce rituel de se remémorer ensemble, dans un laps de temps éloigné de la mort : faire advenir l’autre, les autres, comme êtres sociaux ET mortels, sans que la sensation de vide ne prenne tout le domaine. Un autre degré d’expérience se donne à voir : le groupe social se ressent vulnérable, puisque la mort demeure l’étrange condition de la continuité du vivant. Or, il y puise justement sa détermination. Qu’il s’agisse donc de funérailles socialisées ou de commémoration quelque temps plus tard, la portée rituelle n’est pas que psycho-individuelle. Elle fouette le vouloir vivre collectif qui englobe nos biographies. Ainsi encadré, à son rythme, le manque devient doux. Il passe du noir intense aux nuances de gris.
C’est dans ce processus que la mémoire, parfois confuse, trouve sa dynamique autonome. En effet, de manière inconsciente comme par un effort de tri personnel et groupal, nous arrivons à nous représenter l’héritage de nos devanciers en le tamisant ou en en choisissant des aspects sous forme de legs. C’est donc par ce tri dans nos mémoires que le souvenir de l’autre prend forme. Le rappel de notre finitude aussi, galvanisant notre discernement.
Cela ne signifie pas qu’on oublie ces autres. Car se souvenir de l’autre nous adosse à la puissance qui en émane. Parler des transmissions des disparus aide les sociétés à respirer. Ainsi aérés, pensées et actes se lient. Un mouvement éclot. Se souvenir nous fait ainsi imaginer comment, ensemble, réparer : faire du mieux avec ce qui est, et accomplir, à savoir mettre en mouvement.
• DUO #3: Les RECOMMENCEMENTS qui se trouvent dans la DANSE
Toutes les sociétés de vivants qui saluent une société des morts connaissent ce secret: en élaborant le souvenir, elles acquiescent également à une réalité qu’elles ne perçoivent pas. Les êtres humains ainsi organisés savent tenir compte des limites perceptives de nos sens et des subjectivités individuelles. C’est justement dans ce mouvement qui n’est pas seulement mental que les sociétés se sentent davantage elles-mêmes et trouvent la force de persister et donc, de recommencer.
Cette puissante sensation d’être soi ne surgit donc pas de but en blanc, pour les personnes comme pour les groupes. Elle touche d’abord au manque brut généré par l’absence, si perturbante. Nous nous hasardons dans des pas indécis. Nous nous décourageons de cette impression de sur-place dont on craint l’enlisement. Le silence abyssal affleure. L’affaissement dans l’immobilité définitive de la mort est tentant, par mimétisme inconscient envers l’autre auquel on pouvait s’identifier. On n’a plus faim, ni le goût de rien. Néanmoins, une part de nous demeure attentive aux vibrations du temps. Des bras s’invitent, des mousses, des odeurs, des musiques et des rôles nous poussent sans qu’on le leur ait demandé. Le mouvement des membres et du tronc s’élargit, étonné : « Tiens donc, c’est ça, demeurer en vie? Malgré tout? »
Et puis, tout autant imprévu, sentir son corps en mouvement dessine une ambivalence. Car si l’on sent que les fibres fondamentales se détendent et se fortifient, cette jouissance d’être au-dedans du corps nous ramène imperceptiblement à celle dont l’autre disparu ne bénéficie plus. À notre manque d’être sans son corps à lui, à elle. Un rapport au corps très prosaïque se touche là. De sorte que, au début, le mouvement peut être hachuré, syncopé, presque endolori.
Et pourtant! En persistant, en offrant son corps au mouvement, on y trouve courage. C’est ce que constatent les réfugiées ukrainiennes à Montréal : danser leur fait oublier ce qui agite leurs pensées et les entraîne vers une zone méconnue, non rébarbative. Mine de rien, elles puisent à la naissance du rite : se rattacher à un lieu, se repérer dans des moments soustraits de l’ordinaire des activités, reconnaître ce pourquoi on y est, jouxter des singularités, mettre en relation l’émotion avec des zones de sens élargies qui nous sont transmises avec cœur et enfin, y concerter nos élans… tout cela fait s’incarner. De la rencontre entre les sois au soulèvement politique.
Après, recommencer! En harmonisant délibérément silence et parole, immobilité et projection énergique du corps, intériorité et entendement des univers, ce mouvement nous inscrit de fait dans un rituel. Recommencer le geste fait repérer ce qui génère notre dynamo et la nourrit, dans la délicatesse de tout ce qui ne peut toujours être défini. Dans le respect des centres de gravité. Dans la bénédiction si précieuse de l’air. Recommencement n’est donc pas équivalent à monotonie et lassitude. Cela vaut pour tout apprentissage.
En se fiant au champ de la danse, les artistes de Mausolée qui nous offraient des sculptures en mouvement pourraient éventuellement parler de la répétition. Pensons de plus à la danse spontanée, à la portée de toutes et tous, même en fauteuil roulant. Danser en vrai et faire danser son cogito, c’est alors effectuer un double exercice : d’abord revisiter ce qui fut en y questionnant nos perceptions, biais et projections. Recommencer exige ainsi de défaire nos prénotions et nos habitudes: c’est comme repartir d’un refrain en recomposant un couplet. Ensuite, recommencer, c’est se plier à l’exigence d’un geste inusité, même pour les choses quotidiennes. Que nous avancions à pas feutrés ou à pas décidés, peu importe, l’on incorpore une humanité complémentaire. La noirceur peut ainsi cacher un rai de lumière.
En se laissant initier à cette nouveauté non clamée, puis en s’y adonnant, on rêve aussi d’un autre accent à soi-même. C’est ainsi que bouger le corps fait bouger l’esprit. Un beau jour, sans tambour ni trompette, on se découvre un appétit d’existence rénové. La mouvance vitale se libère et se distend, tout en se sachant jamais acquise.
Ainsi l’imprévisible est loin de n’être que catastrophique. Nous y revisitons ce qui tenait lieu d’équilibre, qui pouvait aussi être inepte. Dès lors, en créant du mouvement, en offrant une forme jamais complète à de l’inaperçu, danser ouvre à la joie. Et la joie nourrit la détermination à s’instruire de perspectives dont le flot nous entraîne hors catégories, et surtout hors de nous.
Pour terminer: une dette au long cours
Ce que nous devons aux expériences de la COVID-19? De quoi sommes-nous redevables une fois une pandémie passée?
D’abord au même titre que tout le vivant, nous sommes redevables de l’air que nous respirons. Respirer nous définit dans ce que nous sommes, planète unique et êtres singuliers. Et de là, nous devenons responsables de ne pas tolérer que l’air soit âcre, acrimonieux, saturé, suffocant, au propre et au figuré. Mais pourquoi le serait-il? Lorsque nous étouffons ce qui dérange, contraint, ralentit et questionne la bien-pensance toujours trop sûre d’elle. L’air ambiant ou l’atmosphère en devient encore plus délétère. Bref, l’ambiance est lourde, compacte. Quelque chose du souffle nous dit alors que ça ne va pas. Or, aménager cette atmosphère, entre entièrement choisie et entièrement obligée, requiert un effort: par définition, une atmosphère se fabrique à plusieurs.
Nous touchons là à ce dont nous sommes redevables en dernière instance. Si la COVID a notamment ulcéré une pathologie latente du lien social, elle a aussi stimulé cette “vérité”: nous recommençons à respirer lorsque nous prenons soin les uns des autres. J’écrivais dans le rapport d’analyse que « quand il y a du lien, on respire mieux. » À cet égard, nous ne mettrons jamais assez d’énergie pour que les milieux de soin se dédient à leur centre: le lien. Si ordinaire et si exigeant qu’il soit, le lien ne tient pas que dans la caresse d’une main frêle. Il engage à une coordination des efforts, à la patience et au sentiment d’accomplissement qui peut aussi s’allier à la légèreté du souffle.
Enfin, ce lien est social dans la mesure où il s’entend et s’accorde sur les bases communes à soigner et à édifier. La culture s’y alimente. Mais pour cela, encore nous faut-il parler, désigner ce qui rend l’air irrespirable plutôt que d’uniquement conforter. Il nous appartient d’imaginer et de trouver toutes sortes d’entrées d’air qui favorisent une respiration collective. Qui donnent de l’air libre aux liens. Qui structurent les molécules de la mémoire collective.
Au nom de celles et ceux qui ne peuvent plusparler et puisque leur mort tout comme la grande coupole de la mort constituent la nature de l’existence. Car la limitation de la mort nous enjoint d’accomplir ce que nous sommes véritablement, dans l’intimité et dans la foule. C’est alors que nous sommes redevables à ce ferment de conscience si vif dans les promesses qui sont montées lors de cette pandémie. « La vie va changer », entendait-on. Peut-être. Pour changer, nous devons nous prémunir certes contre la prochaine épidémie, mais surtout contre des virus largement répandus dans les aérosols mentaux: le virus du refus de la limitation, mais aussi celui du confort repu.
Dans la foulée, il nous faut surmonter le découragement que nous rencontrons devant la perversité systématisée, en ceci que maintes réalités sont volontiers tronquées, déjouées, narguées, annulées et donc déniées par les tenants de pouvoir et par nous tous. Et ce, sans compter la passivité que ladite perversité distille. Surmonter ce sentiment ou effectuer un premier pas... de deux et de mille, dans l’inespéré.
C’est là le geste inaugural de la création. Encore et toujours, à suivre, puisque qui lit ceci est “en vie”, au-dedans de la vie.
© 2025 Luce Des Aulniers, professeure-chercheure
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Notes
- « En recourant à cette lourde pierre comme métaphore de la perte lors de crise sanitaire, c’est le parcours d’incompréhension, de désorientation, de grand chagrin qui est évoqué. Pourtant, par le souffle et le toucher, le jeu avec la pierre entraîne un allègement possible du deuil. Être en lien les uns avec les autres par l’entremise d’une action créatrice contribuerait à reconstruire le lien social éprouvé. Nous redécouvririons la confiance en la fécondité des gestes simples. Et quoi d’autre? » (texte de présentation de Mausolée, LDA) Voir Notes 3 et 4.
Cette prestation emprunterait volontiers le sens implicite d’un rituel. Ces artistes accomplis arpentent les sentiers concentriques dans la dynamique contrastée des solos/duos et des rythmes et postures, laissant germer l’inter-écoute et l’entraide qui fleurit dans le partage avec le public par des grains de haricots à planter, qui semblent provenir d’éclats de ladite pierre. Aussi, des plantations de haricots persillent les étagements asymétriques des deux tours de mémoire à l’extérieur de l’enceinte. - MARIN, Claire (2023). [citant C. Rosset), Les débuts. Par où recommencer? Paris, Flammarion_Autrement,163 p., p. 151.
- Mausolée, produit par la compagnie Le Fils d’Adrien Danse, Québec. À l’initiative visionnaire de sa co-directrice générale et artistique Caroline SIMONIS, l’œuvre met en relation quinze personnes endeuillées lors de la COVID-19 et leurs proches, à titre d’ancrage dans une large médiation culturelle qui réunit les trois conceptrices (C. SIMONIS, LDA, A. BAILLEUL), les artistes et la population. Il s’agissait de forger un mémorial en mouvement afin, d’une part, de marquer socialement les multiples deuils et, d’autre part, de conjuguer l’expression artistique qui réverbérait les expériences documentées pour l’occasion et le besoin collectif de ritualiser ces pertes. Mausolée a mis à contribution de nombreux partenaires de soutien et de communication. Le pari artistique a regroupé les prestations en trois dyades de chorégraphes et de danseurs: Harold RHÉAUME (aussi co-directeur artistique et général) et Étienne LAMBERT, Geneviève DUONG et Josiane BERNIER, Benoît LACHAMBRE et Arielle WAKNE ST-PIERRE. Les représentations se sont tenues entre le 16 août et le 7 septembre 2025, au Domaine Cataraqui, Québec, dans une scénographie de Vano HOTTON, de designers et d’artisans. Ce lieu tout désigné offrait sous canopée une installation permettant à la fois une présence contenue aux spectateurs, l’échange qui s’en suivait et la désignation regroupée de personnes décédées.
- À titre de “responsable scientifique et éthique”, l’autrice a accompagné le parcours de Mausolée, de l’origine (printemps 2022) à son accomplissement (été 2025); outre la mise à jour des données de recherche, mon rôle en fut un de formation sur mesure: orientation des fondements et suivi régulier de la conception-création; démarches dans la communauté; méthode de recueil de récits de deuil, effectué par Caroline SIMONIS et Angélique BAILLEUL (médiatrice culturelle à toutes étapes); co-analyse des entretiens et rédaction du document d’analyse et autres rapports ponctuels dans un souci éthique de “vérité” (voir note 5), laquelle ne se cantonne pas aux récits, mais excède leur énonciation en les situant dans les dynamiques mémorielles collectives, les problématiques générales du deuil et les historiques des pandémies; observations in situ et ateliers avec les équipes d’artistes (danseurs et chorégraphes) et de production; mise en liens lors de rencontres de groupe des participant.e.s; rédaction de textes au gré des étapes; conférence de clôture, dont les grandes articulations sont ici reprises.
- Extraits du pape FRANÇOIS, cités dans BINDÉ, Joséphine (2025). «Mort du pape François: qui pour poursuivre son engagement inédit en faveur des arts?», Beaux Arts Magazine, 22 avril 2025, 6 p.
https://www.beauxarts.com/grand-format/mort-du-pape-francois-qui-pour-poursuivre-son-engagement-inedit-en-faveur-des-arts/ - Et aussi créatrice de la trame sonore de Mausolée, Myriam LAMBERT.
- Sources COVID: pour les données jusqu’en 2023, fin juillet 2025: Statistique Canada. (Compilation L. Des Aulniers), conformes aux données des instances québécoises; Organisation mondiale de la santé (OMS).
- Voir chapitre 1, WEATHERFORD, Jack (2021 [1993]). Ce que nous devons aux Indiens d’Amérique. Et comment ils ont transformé le monde, traduit de l’américain, Paris, Albin Michel, 452 p.
- J’utilise à dessein ce raccourci donnant “respir”, où le “e” muet de “respire” s’évanouit en souvenir des êtres qui le désignaient ainsi, et en savouraient le privilège, quelquefois même lorsqu’ils souffraient d’une maladie chronique respiratoire, dite «obstruction»: le “respir” tient alors lieu de bouée de sauvetage et de phare, même désolant.
- DOUGLAS, Mary (2004 [1986]). Comment pensent les institutions (trad. anglais), Paris, La Découverte, 221 p, p. 56.
- Entre éclairages foisonnants: « L’interdit (...) constitue un don supplémentaire par lequel l’homme apprend que sa puissance ne constitue pas seulement à faire, mais aussi à ne pas faire ». REY, Olivier (2023). «De la limite en général et de la médecine en particulier», LEFEBVRE DES NOËTTES, Véronique, de MALHERBE, Brice (éds.), La médecine confrontée aux limites. Ce que la pandémie nous a appris des limites, Paris, CERF-Patrimoine, Collège des Bernardins, 168 p., pp. 11-35, p. 17.
- FREUD, Sigmund (1984 [1933]). Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, Paris, PUF, pp. 83-268.
- Le terme « investi » marque un engagement, surtout intense. Néanmoins, que l’on consacre temps et énergie à un être ou une cause ne signifie pas qu’on en tire bénéfice, comme c’est le cas pour l’attente rattachée à un pari financier. Or, puisque le don est réfléchi, peut-il devenir objet de calcul? Deux réponses. D’abord, on peut réfléchir au sens de ce que l’on choisit de donner, même en élan spontané, toujours empreint de symbolique: alors ce don n’équivaut pas à un calcul mais à une intuition ou un lien entre phénomènes. Ce lien émane de la pensée, en soi, tout autant que la pensée à l’endroit de l’autre qui nous tient à cœur. La pensée prend acte du réel, classe, délimite, fouille dans ce qui la précède et se déploie. Seconde réponse: si ce qui est don et contre-don devient objet de mesure? Lorsque le rationnel de la jauge prime, le don n’est déjà plus le don, il glisserait plutôt vers la sphère économique qui comporte sa propre logique: cette sphère concerne les moyens de subsistance qui correspondent à des convergences d’intérêts responsables du bien-être commun. Or, si le don est converti ou plutôt perverti en calcul stratégique, si ses conditions de réalisation sont bloquées par trop de précaution procédurière ou par les tenailles du pouvoir gestionnaire, que se passe-t-il? La tentation d’attribuer une équivalence marchande à tout envahit n’importe quel échange. L’objet ainsi comptabilisé risque de cristalliser l’autorité des valeurs de production et de consommation. L’objet ne traduit plus une valeur existentielle — non évaluable en termes marchands — logée au cœur du don.
Ces nuances valent pour les rapports interpersonnels comme pour les fondements des politiques sociales et de leurs responsabilités, afin qu’ils ne soient pas assujettis aux rationalités économistes triomphalistes. - MACÉ, Murielle (2023). Respire, Paris, Verdier, 129 p., p. 49. J’y dois quelques inspirations ou validations.
- Dans «Le travail du trépas» (1976), repris dans De l’art à la mort, Paris, Gallimard, 1977, 224 p., p. 185, Michel de M’UZAN évoque l’appétence non pas tant rituelle (voir mes travaux) que relationnelle: «Profondément, le mourant attend qu’on ne se soustraie pas à cette relation, à cet engagement réciproque qu’il propose presque secrètement, parfois à son insu et dont va dépendre le déroulement du travail du trépas. En fait, il s’engage, en vertu de ce que j’imagine comme une sorte de savoir de l’espèce, dans une ultime expérience relationnelle. (...) Alors que les liens qui l’attachent aux autres sont sur le point de se défaire, il est paradoxalement soulevé par un mouvement puissant, à certains égards passionnel. Par là, il surinvestit [voir note 13] ses objets d’amour, car ceux-ci sont indispensables à son dernier effort pour assimiler tout ce qui n’a pu l’être jusque-là dans sa vie pulsionnelle, comme s’il tentait de se mettre complètement au monde avant de disparaître». (soulignés LDA). On peut observer en clinique comment ce «travail du trépas» contribue au travail de deuil, en son temps, pour les survivants. Néanmoins, cet enchaînement de “travail” serait sérieusement compromis par les conditions générales actuelles du mourir. J’y reviendrai.
- Notamment: CHERBLANC, Jacques, VACHON, Mélanie (2023) (éds.) «Fin de vie et deuil en temps de pandémie», Études sur la mort, No 159, 240 p.
- Ce texte-ci retrouve un ou deux constats émis dans le Récit intemporel de cimetières 14, Vues de près, vues de loin: pertes à décrypter par temps pandémiques, émis sous le filtre des formes de déni et de la rupture anthropologique, associée au sentiment d’abandon, voire d’exclusion, des mourants. Plus précisément sur la problématique rituelle, on peut retrouver le Cohabiter dans le rite 1, qui questionne ce que la pandémie récente a pu changer.
- Ce constat m’a été livré par des cliniciens, psychanalystes et psychologues (parmi ces derniers, Johanne de Montigny) et par diverses personnes. J’ai pu aussi le pratiquer.
Mes remerciements aux complices de longue date, à la lecture critique et affectueuse des premières versions, Véronique BONCOMPAGNI, Micheline de SÈVE, Yves RACICOT. Et à leur terme, à Ghislaine DAOUST, réviseure.
« En recourant à cette lourde pierre comme métaphore de la perte lors de crise sanitaire, c’est le parcours d’incompréhension, de désorientation, de grand chagrin qui est évoqué. Pourtant, par le souffle et le toucher, le jeu avec la pierre entraîne un allègement possible du deuil. Être en lien les uns avec les autres par l’entremise d’une action créatrice contribuerait à reconstruire le lien social éprouvé. Nous redécouvririons la confiance en la fécondité des gestes simples. Et quoi d’autre? » (texte de présentation de Mausolée, LDA) Voir Notes 3 et 4.
Cette prestation emprunterait volontiers le sens implicite d’un rituel. Ces artistes accomplis arpentent les sentiers concentriques dans la dynamique contrastée des solos/duos et des rythmes et postures, laissant germer l’inter-écoute et l’entraide qui fleurit dans le partage avec le public par des grains de haricots à planter, qui semblent provenir d’éclats de ladite pierre. Aussi, des plantations de haricots persillent les étagements asymétriques des deux tours de mémoire à l’extérieur de l’enceinte.
MARIN, Claire (2023). [citant C. Rosset), Les débuts. Par où recommencer? Paris, Flammarion_Autrement,163 p., p. 151.
Mausolée, produit par la compagnie Le Fils d’Adrien Danse, Québec. À l’initiative visionnaire de sa co-directrice générale et artistique Caroline SIMONIS, l’œuvre met en relation quinze personnes endeuillées lors de la COVID-19 et leurs proches, à titre d’ancrage dans une large médiation culturelle qui réunit les trois conceptrices (C. SIMONIS, LDA, A. BAILLEUL), les artistes et la population. Il s’agissait de forger un mémorial en mouvement afin, d’une part, de marquer socialement les multiples deuils et, d’autre part, de conjuguer l’expression artistique qui réverbérait les expériences documentées pour l’occasion et le besoin collectif de ritualiser ces pertes. Mausolée a mis à contribution de nombreux partenaires de soutien et de communication. Le pari artistique a regroupé les prestations en trois dyades de chorégraphes et de danseurs: Harold RHÉAUME (aussi co-directeur artistique et général) et Étienne LAMBERT, Geneviève DUONG et Josiane BERNIER, Benoît LACHAMBRE et Arielle WAKNE ST-PIERRE. Les représentations se sont tenues entre le 16 août et le 7 septembre 2025, au Domaine Cataraqui, Québec, dans une scénographie de Vano HOTTON, de designers et d’artisans. Ce lieu tout désigné offrait sous canopée une installation permettant à la fois une présence contenue aux spectateurs, l’échange qui s’en suivait et la désignation regroupée de personnes décédées.
À titre de “responsable scientifique et éthique”, l’autrice a accompagné le parcours de Mausolée, de l’origine (printemps 2022) à son accomplissement (été 2025); outre la mise à jour des données de recherche, mon rôle en fut un de formation sur mesure: orientation des fondements et suivi régulier de la conception-création; démarches dans la communauté; méthode de recueil de récits de deuil, effectué par Caroline SIMONIS et Angélique BAILLEUL (médiatrice culturelle à toutes étapes); co-analyse des entretiens et rédaction du document d’analyse et autres rapports ponctuels dans un souci éthique de “vérité” (voir note 5), laquelle ne se cantonne pas aux récits, mais excède leur énonciation en les situant dans les dynamiques mémorielles collectives, les problématiques générales du deuil et les historiques des pandémies; observations in situ et ateliers avec les équipes d’artistes (danseurs et chorégraphes) et de production; mise en liens lors de rencontres de groupe des participant.e.s; rédaction de textes au gré des étapes; conférence de clôture, dont les grandes articulations sont ici reprises.
Extraits du pape FRANÇOIS, cités dans BINDÉ, Joséphine (2025). «Mort du pape François: qui pour poursuivre son engagement inédit en faveur des arts?», Beaux Arts Magazine, 22 avril 2025, 6 p.
https://www.beauxarts.com/grand-format/mort-du-pape-francois-qui-pour-poursuivre-son-engagement-inedit-en-faveur-des-arts/
Et aussi créatrice de la trame sonore de Mausolée, Myriam LAMBERT.
Sources COVID: pour les données jusqu’en 2023, fin juillet 2025: Statistique Canada. (Compilation L. Des Aulniers), conformes aux données des instances québécoises; Organisation mondiale de la santé (OMS).
Voir chapitre 1, WEATHERFORD, Jack (2021 [1993]). Ce que nous devons aux Indiens d’Amérique. Et comment ils ont transformé le monde, traduit de l’américain, Paris, Albin Michel, 452 p.
J’utilise à dessein ce raccourci donnant “respir”, où le “e” muet de “respire” s’évanouit en souvenir des êtres qui le désignaient ainsi, et en savouraient le privilège, quelquefois même lorsqu’ils souffraient d’une maladie chronique respiratoire, dite «obstruction»: le “respir” tient alors lieu de bouée de sauvetage et de phare, même désolant.
DOUGLAS, Mary (2004 [1986]). Comment pensent les institutions (trad. anglais), Paris, La Découverte, 221 p, p. 56.
Entre éclairages foisonnants: « L’interdit (...) constitue un don supplémentaire par lequel l’homme apprend que sa puissance ne constitue pas seulement à faire, mais aussi à ne pas faire ». REY, Olivier (2023). «De la limite en général et de la médecine en particulier», LEFEBVRE DES NOËTTES, Véronique, de MALHERBE, Brice (éds.), La médecine confrontée aux limites. Ce que la pandémie nous a appris des limites, Paris, CERF-Patrimoine, Collège des Bernardins, 168 p., pp. 11-35, p. 17.
FREUD, Sigmund (1984 [1933]). Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, Paris, PUF, pp. 83-268.
Le terme « investi » marque un engagement, surtout intense. Néanmoins, que l’on consacre temps et énergie à un être ou une cause ne signifie pas qu’on en tire bénéfice, comme c’est le cas pour l’attente rattachée à un pari financier. Or, puisque le don est réfléchi, peut-il devenir objet de calcul? Deux réponses. D’abord, on peut réfléchir au sens de ce que l’on choisit de donner, même en élan spontané, toujours empreint de symbolique: alors ce don n’équivaut pas à un calcul mais à une intuition ou un lien entre phénomènes. Ce lien émane de la pensée, en soi, tout autant que la pensée à l’endroit de l’autre qui nous tient à cœur. La pensée prend acte du réel, classe, délimite, fouille dans ce qui la précède et se déploie. Seconde réponse: si ce qui est don et contre-don devient objet de mesure? Lorsque le rationnel de la jauge prime, le don n’est déjà plus le don, il glisserait plutôt vers la sphère économique qui comporte sa propre logique: cette sphère concerne les moyens de subsistance qui correspondent à des convergences d’intérêts responsables du bien-être commun. Or, si le don est converti ou plutôt perverti en calcul stratégique, si ses conditions de réalisation sont bloquées par trop de précaution procédurière ou par les tenailles du pouvoir gestionnaire, que se passe-t-il? La tentation d’attribuer une équivalence marchande à tout envahit n’importe quel échange. L’objet ainsi comptabilisé risque de cristalliser l’autorité des valeurs de production et de consommation. L’objet ne traduit plus une valeur existentielle — non évaluable en termes marchands — logée au cœur du don.
Ces nuances valent pour les rapports interpersonnels comme pour les fondements des politiques sociales et de leurs responsabilités, afin qu’ils ne soient pas assujettis aux rationalités économistes triomphalistes.
MACÉ, Murielle (2023). Respire, Paris, Verdier, 129 p., p. 49. J’y dois quelques inspirations ou validations.
Dans «Le travail du trépas» (1976), repris dans De l’art à la mort, Paris, Gallimard, 1977, 224 p., p. 185, Michel de M’UZAN évoque l’appétence non pas tant rituelle (voir mes travaux) que relationnelle: «Profondément, le mourant attend qu’on ne se soustraie pas à cette relation, à cet engagement réciproque qu’il propose presque secrètement, parfois à son insu et dont va dépendre le déroulement du travail du trépas. En fait, il s’engage, en vertu de ce que j’imagine comme une sorte de savoir de l’espèce, dans une ultime expérience relationnelle. (...) Alors que les liens qui l’attachent aux autres sont sur le point de se défaire, il est paradoxalement soulevé par un mouvement puissant, à certains égards passionnel. Par là, il surinvestit [voir note 13] ses objets d’amour, car ceux-ci sont indispensables à son dernier effort pour assimiler tout ce qui n’a pu l’être jusque-là dans sa vie pulsionnelle, comme s’il tentait de se mettre complètement au monde avant de disparaître». (soulignés LDA). On peut observer en clinique comment ce «travail du trépas» contribue au travail de deuil, en son temps, pour les survivants. Néanmoins, cet enchaînement de “travail” serait sérieusement compromis par les conditions générales actuelles du mourir. J’y reviendrai.
Notamment: CHERBLANC, Jacques, VACHON, Mélanie (2023) (éds.) «Fin de vie et deuil en temps de pandémie», Études sur la mort, No 159, 240 p.
Ce texte-ci retrouve un ou deux constats émis dans le Récit intemporel de cimetières 14, Vues de près, vues de loin: pertes à décrypter par temps pandémiques, émis sous le filtre des formes de déni et de la rupture anthropologique, associée au sentiment d’abandon, voire d’exclusion, des mourants. Plus précisément sur la problématique rituelle, on peut retrouver le Cohabiter dans le rite 1, qui questionne ce que la pandémie récente a pu changer.
Ce constat m’a été livré par des cliniciens, psychanalystes et psychologues (parmi ces derniers, Johanne de Montigny) et par diverses personnes. J’ai pu aussi le pratiquer.