
Photo : Alexander ARCHIPENKO (Kiev, Ukraine, 1887— New-York, É-U., 1964) (1913).
« Carrousel Pierrot », plâtre polychrome (60 x 54,3 x 30,5 cm) ©2023 Artist Right Society, Solomon R., Musée Guggenheim, New York.
Le carrousel peut tourner en rond. Ou nous inciter à ceci : la terre tourne sans nous, soit,
mais peut-on éviter le tournis dans la joie de comprendre les mouvements qui l’habitent ?
Cohabiter 13
Les rapports de pouvoir empruntent une pléiade de formes et de palettes, importantes à éclaircir et sources potentielles de liberté. Ces rapports agis au quotidien devraient-ils en bonne part leur dynamisme à nos conceptions de la mort? Par quelles couleurs et quels éclairages?
« Pessimisme et gratification, promesse et châtiment, menace et consolation
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D’entrée de jeu, le thème de l’identification aux personnages publics parcourt cette série de trois textes qui s’achève ici. Ils sont axés sur la force d’attraction des personnalités de référence, certes, des héros, et de la ritualité parfois émouvante à leur décès. Pour sa part, le phénomène d’idéalisation, inscrit dans tout deuil, devient d’autant présent. Nous sommes parfois fortement enclins à idéaliser, et il arrive que ce penchant soit passager et source d’apprentissage à propos de nos liens, auquel cas nous ne versons pas dans une mystification rigide et délétère. Nos monuments intérieurs ont donc la capacité d’évoluer.
C’est notamment par ce processus d’attachement et de deuil et par leurs manifestations que les questions du pouvoir ont émaillé les propos précédents. En effet, s’attacher, c’est toujours a minima s’offrir à l’ascendant de qui ou quoi suscite cet élan. De la sorte, ombres et lumières du pouvoir surgissent de nos liens, qu’ils soient sociaux ou intimes, politiques ou même laudatifs. Bien plus — ce qui n’est pas une incidence —, l’on ne peut aujourd’hui ignorer combien tant de populations réparties partout sur le globe sont affligées des démesures édictées par maints tenants de pouvoir, singulièrement lorsque ceux-ci entament des vies: notre longévité, nos conditions d’existence, notre sécurité élémentaire, notre équilibre mental ou simplement nos droits citoyens à un toit et à des soins, comme à un mieux-être collectif qui subsume les intérêts individuels et conjoncturels. Notre riposte à ces abus peut osciller entre tergiversations et bravades: vers quoi? Quels engagements?
Ce texte s’inscrit dans la logique des précédents, ici en précisant les fondements de ce qui constitue la force prismatique du pouvoir, parfois périlleuse. Il sollicite la curiosité de chacune et chacun, quels que soient ses inquiétudes, convictions, espoirs. Ainsi, que voudrions-nous questionner? D’abord, qu’est-ce donc que le pouvoir? À quoi tient-il? Quelles allures emprunte-t-il? Par quels chemins? Et puis, qu’a-t-il à voir avec la puissance? Avec quelle portée rituelle? Enfin, comme on sait, si la formation de la valeur héroïque connaît son acmé lors de funérailles des conquérants et nourrit nos représentations collectives de la mort, quel en est le prix pour le vivant? Couvrant le tout, quels liens souterrains nourrissent au quotidien le pouvoir comme tel et celui de la mort?
Les graves mises en jeu mondiales actuelles et les défis qu’elles instillent se présentent en filigrane des idées-vigies explicitées. Raison de plus pour décrypter quelques rouages d’une dynamique implacable qui ne saurait pourtant déterminer seule nos choix. Car ce serait faire le jeu leurrant des dominants, aspirants et avérés, que d’estimer que tout s’inscrit dans les rouages qu’ils alimentent et que ces derniers avalent tout.
Amorçons ainsi notre parcours en partant d’un simple constat interactionnel.
La séduction comme puissance, quelquefois réduite
à un stratagème de pouvoir
On entend souvent l’expression « Untel est un grand séducteur », « Unetelle, quelle redoutable séductrice ! » Passons outre à cette signification à connotation souvent péjorative parce que manipulatoire, même si l’on conçoit aisément que le caractère sexuel de l’attirance entre les êtres insuffle une brume de délicieuse tension. Ici, la séduction dépasse la psychologie des rapports interpersonnels.
En effet, un cran de plus, on entend aussi « le pouvoir séduit les masses ». Pourtant, a priori, la séduction n’a pas tant à voir avec le pouvoir qu’avec la puissance. Cette puissance merveilleuse relève d’un registre mercuriel, ressenti, mais difficilement cernable: « La séduction représente la maîtrise de l’univers symbolique, alors que le pouvoir ne représente que la maîtrise [ou le contrôle] de l’univers réel3. »
Par « univers symbolique », entendons l’énergie relationnelle qui loge dans le désir, précisément, de lien, d’écoute des signes pluriels, de création, encore et toujours de « formes instituantes » (voir la citation en exergue). Ces formes englobent le « je », tout en y prenant appui: la parole qui discerne, organise et propose plutôt que de proférer, l’action qui ne comble pas le vide, mais le prend à bras-le-corps afin de jeter des ponts, de colmater les failles et de bâtir autour d’elles et par-delà.
Bref, la puissance loge dans les formes symboliques que nous maîtrisons. Comment? Lorsque nous respectons l’existence, la valeur et les limites des réalités et que nous en forgeons des formes de vie parmi toutes celles qui nous sont données. Lorsque nous le requerrons. Ainsi, nous ne contrôlons pas toutes les réalités, nous composons avec leurs effets pour limiter le mal qui en émane parfois et en multiplier la force vitale. La séduction apparaît alors comme un dispensateur de l’enchantement à tenir à la vie symbolique en soi et à nous y tenir. La pulsion de vie s’y alimente.
En cela, la séduction serait apparentée au fameux charisme: non pas un stratagème de popularité ou de prédominance, mais au sens premier, la grâce d’ouvrir les mondes de significations et de s’y rendre disponible. Ainsi, que suscite la puissance de la séduction? Loin de s’en tenir à elle-même, elle attire vers ce qu’il y a à cueillir aux alentours et à faire fructifier en lieux et occasions multiples. En cela, la séduction comme assise du désir de vivre ne relève pas d’abord d’un trait psychologique individuel, je l’ai souligné à l’instant: elle est existentielle, symbolique, elle nous relie les uns aux autres. À ce titre, elle est intrinsèque à toute relation: « La relation entre un être et le monde peut être qualifiée de relation de séduction. Le monde séduit le sujet comme le sujet a à le séduire. Cette interaction est constante, depuis la naissance jusqu’à la mort, et s’il existe un arrêt, il signe souvent l’entrée dans la dépression4. »
Dès lors la séduction traduit une maîtrise pacifique des formes symboliques qui consolident le désir d’être. Toutefois, sa puissance indicible est telle que l’on voudrait la contrôler, l’instrumentaliser et la pervertir. “On”? Notamment les conquérants acharnés du pouvoir. Et c’est là que plane la mort inique.
Les tonalités des pouvoirs, entre le gris perle et le gris canon
L’on pourra éventuellement s’offusquer que la question du pouvoir soit accolée à la mort. Si c’est le cas, dissipons quelque méfiance qui attribuerait à « pouvoir » une connotation uniquement négative, voire répulsive. Nous savons déjà qu’une forme de pouvoir fait coalescence en structurant les insécurités autant que les aspirations et instille un ordre minimal dans les aléas du vivre ensemble, de tout temps imbibés des inconscients et des modes de défense primaires. Cette forme de pouvoir est féconde et admirable.
On l’a exploré dernièrement, le cortège en est un tonique exemple rituel, par l’acquiescement vaille que vaille à la réalité, par l’adhésion sociale et existentielle que vient fouetter sa vibration sensorielle et par l’élan de survie qu’il insuffle. En cela, en référant aux distinguos déjà établis (Cohabiter 9), le rituel est potentiellement territoire de pouvoir alors que le rite, qui, de plus, fait place à l’altérité des mondes autres, au sein de la commune union des êtres, participerait davantage de la puissance.
Un exemple de rituel qui acquiert cette saveur de rite tiendrait dans la pratique récente développée en Ukraine, au passage de la dépouille d’un.e enfant du pays tué au combat5. Disséminés ou en grappes, leurs concitoyens pourtant aux abois déposent une fleur sur le pavé, aux abords d’une route crevée. Remarquables, dans un même mouvement, ils déposent littéralement un genou par terre (reprenant à leur manière ce que la quête anthropologique nous enseigne). Le silence embaume l’air, comme la dignité résolue qui répond ainsi à un opprobre issu de la pire irrationalité que nous examinerons plus loin. En détresse émouvante de sobriété, le tissu social tente de se raccommoder. Il rejoint en cela la profonde aspiration du rite: faire quelque chose alors que, pour cette mort-là, il n’y a plus rien d’autre à faire. Mais la puissance du rite tient alors dans la chaleur humaine qui grave les histoires et les met en mouvement dans ce désir qui s’y affirme.
Afin de mieux discerner ce en quoi le pouvoir est nécessaire et tout autant épris de ses vertiges d’abus, nous nous munirons d’un « guide » en 5 points, le 4e requérant une attention particulière pour qui apprécie les nuances.
1 Le pouvoir est une donnée immanente de la réalité, sans égards à nos volontés ou à nos incantations. « Non qu’il [le pouvoir] aurait le privilège de tout regrouper sous son invincible unité, mais il se produit à chaque instant, en tout point, ou plutôt dans toute relation d’un point à l’autre6. » Même à bas régime, il est omniprésent, et « ce n’est pas qu’il englobe tout, c’est qu’il vient de partout », si bien que les rapports de pouvoir sont inévitables. Mobiles, fluctuants, chatoyants ou inapparents, ils s’exercent à divers degrés et moments au sein de tout lien, répétons-le, autant intime que social et collectif. Par conséquent, la vie symbolique est irriguée de pouvoir, tout en laissant éclore la puissance, elle qui n’a jamais fini de nous apprendre à attribuer un ou des sens à nos existences et aux réalités. En cela, le pouvoir n’attribue pas de sens, car bardé de ses objectifs, il cible ce qui va ou peut aller dans son sens.
2 De la sorte, outre leur différenciation d’avec la puissance, les rapports de pouvoir se lisent dans la capacité effective d’agir sur les êtres et les choses, sous deux aspects: d’un côté, une direction imprimée par une partie (les tenants de pouvoir) et, de l’autre, une réception variable, en fonction d’une incidence sur la situation des êtres concernés et sur leur volonté qui peut augurer d’un contre-pouvoir. Ces échanges interactionnels forment un faisceau d’effets relationnels entre les êtres, certes, mais orientent également les formes de vie en société. C’est donc en vertu de ces échanges que l’on parlera davantage des rapports de pouvoir que DU pouvoir ou de l’expression « LE » pouvoir. Ces rapports ou ces relations sont donc le lieu d’une dynamique passionnante. Par exemple, il n’y a pas d’un côté un bloc de dominants, et de l’autre, une foule de dominés. Il y a tout le jeu concret entre la course à la dominance, les assujettissements plus ou moins consentis et les résistances de toutes configurations, contre et sous-culturelles, citoyennes, transitoires, interreliées: les « autrement » que la logique de dominance.
Néanmoins, notre résistance, corps et âme, implique de connaître au mieux les pulsions animant cette dominance.
3 Ce pouvoir, cette capacité d’orienter le cours des choses comme les trajectoires humaines nous fait aussi distinguer entresituations et positions de pouvoir. Tout dépend alors de l’usage d’une situation objective et d’une posture réflexive sur ladite situation: quelqu’un peut être haut placé dans la hiérarchie d’un système (situation) et faire en sorte (position) que les leviers d’actionne soient pas initiés que par lui, en tête, ou pire, qu’il les monopolise, mais soient distribués à travers les échelons. La personne « haut placée » entend alors la hiérarchie non pas comme un faire-valoir de sa propre force — devenant de ce fait un éteignoir des implications de la part des autres —, mais comme englobant les responsabilités, la sienne animant et médiatisant l’ensemble. Son leadership est raisonné et accepté. À l’inverse, quelqu’un objectivement dépourvu de moyens d’agir (situation), peut se concevoir (position) comme déficient, désarmé ou au contraire, capable de consolider et de valoriser ses prédispositions. Le terme « encapacitation7 » (traduit de « empowerment ») se retrouve ainsi dans le leitmotiv de nombreux groupes visant le changement d’états et de conditions de vie.
Par ailleurs et toujours dans une perspective dynamique, l’on peut concevoir que, idéalement, avec des objectifs de développement collectif, une société s’entende sur des rapports consacrés à la complétion des éléments qui la constituent. Elle refuse ainsisciemmentla centralisation des décisions et la domination de la part des nantis, qu’ils le soient en raison de leurs origines, de leurs contacts, de leurs réseaux ou de leurs stratégies. Cet ensemble favorise une forme de génie de la gouvernance entre contradictions, tensions et, bien sûr, une capacité à composer avec les événements inédits. C’est ce qui anime effectivement des groupes qui ne se prétendent pas pour autant démocratiques, bien que cette dernière forme d’État soit un levier déterminant dans l’histoire des civilisations.
4 Les rapports de pouvoir évoluent éventuellement vers une gradation de niveaux.
On peut considérer que la séduction constitue le niveau 0 des rapports de pouvoir, comme forme expressive d’une action sur le monde, mais, encore une fois, d’abord sur les manières de composer avec l’inéluctable au sein de la nuée symbolique.
Au niveau 1 de la mise en œuvre de cette dynamique se trouvent les rapports d’influence, qui viennent modifier les comportements: les réseaux de communication y sont passés maîtres. De leur point de vue, les résultats des savoirs (davantage que leurs fondements), ainsi que leurs usages tiennent un rôle déterminant dans la fabrication des esprits et les choix de société. Et peut-être plus encore, leur force relève de leur capacité à capter l’air du temps. Les rapports d’influence sont donc changeants, si ce n’est passagers.
Cette influence, a priori souvent altruiste dans son visage le plus avenant, se consolide en se légitimant au niveau 2, sous plusieurs modalités. Selon l’intensité de leur usage, ces modalitésprésentent certaines nuances, elles aussi en gradation: le recours à des valeurs réellement partagées et à des institutions structurant l’action au sein desquelles la règle n’est pas rigide et reçue comme un joug, mais intégrée comme un tremplin de création; une autorité morale ou, plus rationnellement, une compétence avérée ou encore une logique argumentaire démontrée dans l’usage compréhensif des savoirs; une assise dans l’ordre juridique dont se réclament notamment les sphères techniques et techno-bureaucratiques.
Pourtant, aux franges de son éventuel excès, cette autorité dite « objective » des savoirs en vient souvent à s’arrimer à l’efficacité à tout prix, typique de la technoscience (Cohabiter 11, Incertitudes, menaces et techniques) en négligeant les rapports humains. On peut par exemple analyser en ces termes certaines décisions sociosanitaires prises lors de la crise covidienne. Ce rapport de pouvoir s’adosse donc en bonne part au savoir et à la prédictibilité des comportements qu’il permet. Il rassure aussi par le plaisir d’adhésion et par la stabilité du système social qu’il entend garantir. Enfin, en se référant à une histoire collective et à cette stabilité, il s’en arroge subtilement lui-même une part.
Cette légitimité, réelle ou auto-proclamée, nous conforte. De là, elle peut emprunter deux voies. La première tient dans l’émulation des individus à l’édification d’une meilleure existence. Comment? Par un consentement réellement éclairé requérant diverses sources de savoirs et la diversité des apports (car, contrairement à une idée reçue, c’est de composer avec la diversité et non de reproduire à l’identique qui fonde la stabilité).
La seconde voie de légitimité a priori indispensable entraîne un conformisme social qui finit éventuellement par engendrer un confort repu et hébété, puis une dépendance paresseuse, subjuguée des récits réconfortants et efficients à court terme. Ce rouage se sclérose dans l’abaissement intellectuel, moral et sensible des membres d’un collectif en fonction d’intérêts mus par une rationalité instrumentale des événements et des gens, harnachée à la consommation.
De plus, ce pouvoir qui cherche à prouver son bien-fondé et son bon droit s’avère paradoxal s’il renvoie surtout au charisme, objectivant et incrustant la séduction en système. En quoi? Par exemple, lorsque, pour gagner une audience, les promoteurs d’une entreprise quelconque pointent exclusivement les qualités d’un chef, telles l’intelligence, la confiance en soi et la détermination, l’orientation vers le pragmatisme, la sociabilité et la maturité de jugement, voire un don pour rallier, une aura ou quelque lien surnaturel, d’autant plus impressionnant qu’il serait ténébreux. (Nous retrouvons en cela les arguments à propos de l’innovation-reine.) La bataille pour la domination tient alors sa base par sa fixation sur un seul leitmotiv. Celle-ci induirala fascination8, par laquelle l’être subordonné, subjugué, abdique son moi singularisé. J’y reviendrai.
De là, l’autorité, cette capacité à la fois floue — à la limite du déguisement — et statutaire, visant à se faire obéir, emprunte aisément au niveau 3 les rhizomes de la persuasion: sous des allures de rationalité ou de compétence, la persuasion introduit l’art de distiller les convictions, lesquelles portent leur charge d’inconscient et donc, de pulsions ambiguës, l’emprise (on examinera ses sources), tout en les ignorant. Et ce, même si les convictions ne s’y résument pas, si l’on se fie aux convictions libératrices.
Ainsi, dans la majorité des cas, sans coercition tangible, se développent des stratégies subtiles de persuasionlogées en premier lieu dans l’idéologie, celle qui imprègne les discours et des choix dits « éclairés », propulsés par la logique des groupes d’intérêts: « Une idéologie est un système (possédant sa logique et sa rigueur propres) de représentations (images, mythes, idées ou concepts selon le cas) doué d’une existence et d’un rôle historique au sein d’une société donnée9. »
À cette « logique propre » documentée par la sociologie générale, greffons une tonalité critique, au sens de débusqueuse de ses non-dits: l’idéologie devient alors une interprétation du monde qui se prétend à la fois totale et seule valable10. Elle appuie sur la confusion entre perceptions et opinions premières, entre opinions et pensée documentée, entre addiction à la recherche d’informations et discernement des tenants et aboutissants. L’idéologie ainsi masquée table le plus souvent sur des insécurités, des lacunes d’instruction citoyenne ou elle en gomme les sources et les soutiens. Un discours est idéologique lorsqu’il promeut exclusivement une vérité univoque, investie sienne, pour en cacher d’autres ou pour simplement biffer la densité complexe de la vérité. Citons, parmi d’autres, les formulations du type « il n’y a que », « tout se réduit à », éblouissantes de simplisme.
Cela étant, être persuadé et persuader peut monter d’un cran dans l’échelle de l’idéologie et de sa logique d’emprise monolithique et doctrinaire. Soi-disant pour notre bien, se raffinent les procédés de communication propres aux relations publiques. C’est le cas récent des technologies de reconnaissance faciale: on cherche à décoder dans l’expression du visage les sentiments provoqués par les stimuli qu’on nous offre. Ces procédés jouent sur la structure des contraintes que nous intériorisons — tels des relais implicites, mais pervertis —, des éducations qui évacuent le doute et la pensée complexe. Modalités du « soft power », ils servent la panoplie de « la violence du calme ».
L’hégémonie ou la force d’attraction des grandes dominations y fait son nid en Occident et dans l’occidentalisation mondiale. Comment ? En tablant sur la quête d’un bonheur formaté dans l’intensité et l’exaltation et sur le refus farouche des expériences de douleur et de souffrance (ce qui nourrit notamment la profusion des ouvrages sur le deuil « réussi »). On requiert de nous adapter à une servitude qui glisse vers le consentement.
Ces procédés hégémoniques sont typiques de la propagande, dont le nazisme a fourni une figure exacerbée qui ne s’est pas tarie depuis, mais se serait plutôt raffinée dans cette fourchette: 1. le message, répétitif, est martelé sur une multiplication de tribunes; 2. il est grossièrement réduit à des formules simples, ainsi des slogans; 3. surtout, le message fait systématiquement appel à l’émotion première ou à nos réflexes, par exemple de nos jours, en se référant aux histoires de cas dans la réitération du « c’est comme moi » (autre perversion de l’identification lorsque systématique), sans en explorer les soubassements; 4. l’appel regroupe les aspirations légitimes dans un mot d’ordre qui, paradoxalement, désingularise. En effet, il n’y a pas que la nation en guerre qui produit ce type de gratification sociale primaire, il y a la propension, encore une fois, à se placer sous la coupole magique de la foule des adhérents. Car 5., en prime, la propagande insiste sur la soi-disant majorité qui irait dans son sens, brandissant sondages d’opinion et démonstrations publiques de force, dont celles du nombre de pairs conquis et de son vernis quantitatif. Ce dispositif vient pirater la grâce du rayonnement.
En somme, l’agitation excitée de la propagande donne l’impression de contrôle situationnel, alors qu’elle agit sur les esprits, en martelant les bienfaits de cette coupole protectrice. Or, de quelle crainte au juste procède l’insistance sur la réassurance et la protection sécuritaire ? Je fournirai des éléments de réponse ci-contre.
La table est mise pour la mission salvatrice de la logique paranoïaque, à laquelle les figures du chef et de son aréopage accrochent leur existence à grands coups de mises en scèneritualisées. Le chef y invective, monte le ton, brandit les épouvantails. Outre le « charisme » détourné, cette logique paranoïde se base sur le soupçon facile qui vient activer la figure de l’autre comme une menace à l’existence de soi, individuelle et collective. Dans l’histoire navrante, il n’y a pas que le IIIe Reich pour nous le rappeler, les nationalismes du repli identitaire en sont, entre autres.
Les « gentils » ou les « bons » sont ainsi sollicités dans leurs instincts élémentaires de peur. Cette fibre favorisant l’attention de chaque citoyen, nous serions en outre valorisés dans un double rôle qui consiste à nettoyer le monde, le pays ou notre communauté de ce qui en enfreint le parcours valeureux et à contribuer à un nouveau système qui répondrait à certains « idéaux ». Sur cette lancée, nous serions dédouanés du sentiment de culpabilité, voire de conscience morale, tout projetés que nous serions dans notre propre désir de récompense personnelle pour notre fidélité et de gloire promise. Pour ce faire, les tenants de ce type de pouvoir font miroiter nos intérêts singuliers, en gommant évidemment les leurs et en insistant sur LA vérité qu’eux détiendraient.
Or, mine de rien, en confondant savoir, croyance et vérité, ces hérauts endoctrineurs dépossèdent les êtres-sujets que nous sommes de notre libre arbitre profond, lié à l’ontologie humaine. C’est précisément ce qui se passe dans l’adoration des foules qui, happées dans la spirale fusionnelle, versent aisément dans la fascination délétère. Comment? C’est que la fièvre de la foule fait en sorte qu’elle dépose son entière confiance — et, sans doute, son sentiment d’impuissance — dans des mains proclamées omnipotentes et omniscientes. Le consensus pseudo-pacifiant est à son apogée.
S’y abandonner est justement le propre de la fascination, car sous ses abords réellement stimulants, la dynamique fascinatoire risque d’entraîner la perte de soi dans la fusion avec ce qui attire, forcément impensée. Paradoxalement, cette lacune de vigilance renforce d’autant le sentiment d’impuissance et de déroute, bien camouflé sous les exclamations qui lorgnent vers l’absolutisme du tout ou rien. En effet, par son va-tout, la fascination « est le signe d’un passage à l’acte toujours proche (...). [Le passage à l’acte implique] la dénégation de tout système, y compris la dénégation interne. Et cette dénégation est d’autant plus forte qu’il [le système] se rapproche de la perfection et de la toute-puissance11. » Dans ces conditions, le basculement de l’adhésion à l’adhérence confortable, en soi irréfléchi, est aisé. L’on sait ensuite comment les êtres fascinés se trouvent dans les rets de l’assujettissement anxieux et de ses dégâts.
Ainsi, à proximité, au niveau 4, les rapports de pouvoir ainsi confortés peuvent acquérir une force singulièrement plus coercitive, secrétant un sentiment confus d’être privé de ses choix. C’est que cette privation s’avère subtile: la manipulation, l’intimidation plus ou moins insistante, la différenciation catégorique entre bons et mauvais comportements, leur surveillance, la menace de sanctions et ainsi de suite. N’y trouvent pas place l’argumentation contradictoire, respectueuse et tonique, la transgression, pourtant essentielle lorsqu’elle est limitée, voire le désordre ponctuel. Et l’analyse fouillée des arrière-scènes, encore moins.
Par conséquent, le libre arbitre des sujets est étouffé au bénéfice du maintien et du renforcement du système dominant. Un tel système peut être personnalisé par un chef, un roi, un président, mais sans s’y restreindre, infiltrant subrepticement les démocraties et les appareils d’État tels la police, l’armée et les services publics, comme l’éducation, la santé et les services sociaux. Or, dans ce système, « ne nous y trompons pas. Ce nom que le citoyen décline à toute réquisition de son “identité” ne lui confère nullement la personnalité d’un sujet12. »
Dans ce contexte, les indignations individuelles peuvent fuser et se limiter aux torts vécus. En ce sens, elles adopteraient par mimétisme les ruses du langage qui renvoient aux généralités bien-pensantes13. Il est à cet égard difficile de déjouer l’emprise discrète de tous les chantages qui brisent les ardeurs revendicatrices ou découragent toute politisation des racines de ces pouvoirs diffus qui ont l’art de fonctionner en gérant leur image et celle du monde qu’ils estiment être le « vrai ».
Enfin, au niveau 5, ce dernier degré des stratégies auxquels se consacre la présente 4e caractéristique des rapports de pouvoir (④),on a recours à l’imposition de la force brute, perpétrée matériellement et physiquement, pour obtenir l’exécution d’une décision. Dans la foulée, la force de domination s’emploie à la destruction directe, physique, de qui se rebiffe, nuit à son autorité, bref, fait ombrage à sa détermination. (Ce mouvement sera précisé plus loin).
Au bilan du point ④? Cette gradation vaut à titre de processus général animant les rapports de pouvoir observables entre personnes (par exemple dans le harcèlement) comme pour les petits groupes, organisations, sociétés. Outre ce tableau qui cible les jalons de la progression potentielle des formes de pouvoir, le cinquième et dernier point qui décrira les constituantes du pouvoir laisse percevoir une dynamique transversale. Elle concernerait tous les lieux de pouvoir, et ici, dans la mire de l’héroïsation autant que les funérailles des personnages publics ou les règles régissant alors les rapports sociaux et culturels: l’enjeu implicite de toute situation et toute position de pouvoir permet de rendre conscient... ou peu, ou pas du tout. De quoi donc?
5 Aussi, interpellons les motivations ou les arrière-scènes des procédés et processus qui viennent d’être décrits: quelle serait la fonction fondatrice de tout pouvoir? Il y aurait ici un tabou bien partagé, et même peu évoqué en sciences sociales. Au fond, implicitement, il s’agit de riposter au pouvoir absolu de la mort. Cette motivation fondamentale, même non sue, fournit la source qui ingénie l’humanité. À quoi donc? Soit à des formes créatrices de vie, soit à des formes productrices de mort. Nous connaissons le caractère prodigue des formes de maîtrise symbolique, lesquelles cherchent à dépasser le caractère annihilateur de la mort en tablant sur la puissance même du vivant et en le renforçant: procréations, créations multiples, inscription dans les mondes, vie de l’esprit ou spiritualité élargie. Elles signent l’immortalité ou cette défense si riche devant la menace, afin que la mort n’emporte pas tout.
Or, au contraire, en trivialisant et en récupérant — jamais entièrement — la puissance, en instrumentalisant et en étriquant la séduction, en se saturant des prétentions tonitruantes des tenants du pouvoir, — aussi en à-coups imperceptibles — , que se passe-t-il? Qu’en est-il de ceux et celles qui en sont les victimes? La vie se tourne contre elle-même, entremêlant chez les êtres souffrance ignorée, incapacité de se supporter soi-même, ressentiment, imputation systématique de tout trouble à autrui, honte profondément enfouie, refus de considérer les illusions irrationnelles, régression vers l’a-socialité, haine de soi comme de tout ce qui n’est pas soi. Et haine de la mort, quitte à en jouer en estimant qu’on la déjoue. À la provoquer.
Une assise essentielle du pouvoir émerge devant cet enjeu de santé mentale, de santé publique et de politique globale, assise foncièrement intemporelle et toujours actuelle.
Les tenants du pouvoir se croiraient-ils non mortels ?
Cette hypothèse porte de nombreuses implications et l’on s’en tiendra à une démonstration à propos des chefs, surtout despotiques, et des conquérants donnés historiquement comme héroïques, y compris les oppresseurs. Le tout dans l’atmosphère mondiale actuelle dont l’appétence à vivre — cette énergie de discernement et d’action à visée longue — semble malmenée par la montée des régimes autocrates, qui se suffisent à eux-mêmes et récupèrent à leur profit les excès du libéralisme économique.
Point de départ. On vient de l’évoquer, les instances détenant le pouvoir peuvent aisément ignorer la nécessité d’organiser en vigueur créatrice et juste les phénomènes du vivre-ensemble. Ce faisant, en confisquant à leur bénéfice la force du pouvoir (tout en prétendant le contraire), que font-ils? Ils infléchissent les phénomènes liés à une transformation des êtres, des choses et de la nature, tous des composantes de la culture, vers l’assimilation, l’assujettissement et la domination, ces formes de mise à mort symbolique. Le point d’appui psychique à une telle dynamique qui nous paraît débilitante demeure troublant. Il est complexe en ceci qu’il mise sur plusieurs clés de compréhension, que je résumerai sous deux modalités.
Première clé: la régression vers l’agression brute
Cette première clé nous conduit au cœur des pulsions agressives observables dans la cruauté et dans les atrocités — déshumanisantes en soi et au regard des capacités réflexives — qui ont été graduées au point ④.
Ces ignominies ne se résument pas aux guerres, mais gardons à l’esprit cette donnée documentée dans l’histoire des sociétés: en cas de conflits divers, les guerres qui peuvent en découler ont été jusqu’à ce jour le plus souvent soumises à certaines règles, sinon de l’art14, du moins concernant le respect minimal des combattants, et singulièrement, des populations affligées. Dans l’histoire moderne, le défaut de ces règles entraîne des sanctions exercées par une autorité paranationale accréditée (L’ONU fut créée au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale et ses organismes mandataires ont suivi).
En ces cas, nous nous tenons en bordure d’un effort préventif universel. En effet, on le sait, les civilisations ont apprivoisé l’énergie de la violence élémentaire par les ritualisations et l’invention des régulations de circulation et d’échanges sociaux. Ainsi, le jeu rituel de compétition entre deux instances agit-il comme pare-feu ou frein à l’expression détraquée des pouvoirs. (Le tirage au sort et l’élection libre ont aussi la fonction d’endiguer cette force, de même que la diplomatie.)
À travers les lois et les règles, ces dispositifs culturels émettent des cadres éthiques qui en appellent à la capacité réflexive et à la responsabilité qui figure les conséquences des choix agis et convoquent la conscience morale ou la délimitation minimale entre le bien, créateur, et le mal, destructeur. En principe, réflexion, responsabilité et conscience morale contribuent à la séparation des pouvoirs entre les instances socio-législatives, les dispositifs juridiques et administratifs chargés de l’application des lois et les prérogatives politiques exécutives. Divers agencements sont intervenus depuis au moins deux siècles avant notre ère et sous plusieurs latitudes15.
Qu’est-ce qui, dès lors, dans les interactions belliqueuses, provoque ce type de déchaînement? Lors de cycles de conflits exacerbés, une première réponse s’esquisse. Sans avoir été conceptualisé — ce qui est le cas depuis la Seconde Guerre mondiale et la Shoah — l’effet de propagande à propos de la croyance en sa propre illimitation se serait démultiplié et aurait abouti à la certitude bétonnée d’avoir systématiquement raison. Mais cette vision en siloclivé est mue par des ressorts plus anciens.
Dans une perspective d’ethnopsychiatrie, il semble que la propension à l’ignoble n’ait jamais disparu des couches psychiques: la pulsion du pouvoir par la mort ou celle du pouvoir mortifère constitue l’un des termes de l’ambivalence existentielle (avec la pulsion de vie), parfois jusqu’à abolir cette dernière. Le fait civilisationnel ne l’aurait pas fait disparaître. L’ignoble apparaît cyclique et ruisselle à divers degrés dans pratiquement tous les conflits, incluant ceux qui précédèrent l’apparition des royaumes et des empires16.
Ainsi, cette propension souterraine au sadisme organisationnel concerne évidemment les gouvernements de même que la dynamique des interrelations particulières, même si le premier en ouvrait la voie aux seconds en valorisant des comportements sans foi ni loi: « Il ne faut pas s’étonner (…) que le relâchement de toutes les relations d’ordre moral [notamment dans la fascination] entre les grandes individualités de l’humanité [les États] ait eu en retour un effet sur la moralité des particuliers, car notre conscience n’est pas un juge inflexible que les moralistes [et les idéologues de l’hyper subjectivité comme seul critère décisionnel] prétendent qu’elle est; à l’origine, elle est une “peur sociale” et rien d’autre. Quand la communauté supprime le blâme, cesse également la répression des appétits mauvais, et les hommes commettent des actes de cruauté, de perfidie, de trahison et de brutalité dont la possibilité eût été tenue pour inconciliable avec leur niveau de culture17. » Fort justement, de la part actuelle des supposés raffinements…
En somme, comment la communauté congédie-t-elle les règles qu’elle se serait elle-même données? Lorsque l’irresponsabilité crasse, l’impunité nonchalante ou, finalement, l’absence de limites ont raison de la crainte des règles présidant aux échanges humains — règles qui avaient contribué à une juste et pondérée « peur sociale ».
Cette transgression systématique — donnée plus loin comme issue de l’illimitation — serait le signal d’une pulsion de mort débridée. Il y a plus d’un siècle, Freud pointait ce fait de culture, documenté dans des études anthropologiques et historiques de l’époque; il ne pouvait pas alors présumer du caractère exponentiel, d’abord de l’objectivisme emmaillé à la technoscience et à l’ultralibéralisme financier, ensuite de la communication souvent réduite à une circulation de messages et d’images au service des idéologies.
Or, cet ensemble déstructurant a pu brouiller nos critères d’intelligibilité du monde et violenter nos recours à l’histoire et à l’évaluation analytique pour laisser place au principe du libre arbitre, en soi louable. Néanmoins, désamarré de son corps d’analyse et de quelques interdits domestiquant nos pulsions élémentaires, le libre arbitre peut verser dans l’arbitraire. Dans cet arbitraire, l’on évalue les problématiques en ne tenant compte que d’un nombre limité de facteurs. Le discrétionnaire s’invite aussi parce qu’il est non seulement hyper subjectif, mais calculateur et à courte vue. Disséminé dans le « n’importe quoi » relativiste banalisé, le laxisme s’incruste. Il n’y a pas que les successeurs de Freud pour le constater18.
Le résultat? Sans cadre structurant ni boussole, les rapports sociaux feraient fi de l’épanouissement des valeurs et des savoirs de tous types, lesquels, combinés, contribuent à une vue d’ensemble et aux conditions propices au vivant. Dès lors, « c’est la vie même qui est atteinte, ce sont toutes les valeurs qui chancellent, non seulement l’esthétique, mais aussi l’éthique, le sacré — et avec eux la possibilité de vivre chaque jour19. »
Toutefois, une telle spirale de violence n’est pas étrangère à celle qu’exerce éventuellement dans les esprits la présence de l’altérité du semblable humain. Dans la genèse des conflits mentionnée plus haut, l’archéologie nous enseigne que la définition territoriale de la survie a engendré des aires culturelles distinctes. Plusieurs d’entre elles ont ulcéré les traits de l’identité groupale première de sorte que des divisions en castes, classes et autres catégories peuvent dégénérer en violence, cette fois désorganisée. Encore ici, réitérant ce que l’on sait de la propagande, cette agression serait propulsée par les stratagèmes de persuasion, incarnant par exemple le mal dans l’existence du différent de soi, jusqu’à l’ériger en « impur ». Cette conception de l’autre, simpliste et féroce, abat les digues mises en place par des institutions responsables du bien commun (elles ne le sont pas toutes). Elle peut amener à s’entre-tuer.
La peur de l’autre en territoires serait de cette manière dérivée, manipulée et exhaussée pour abasourdir la peur de la tout Autre, la mort. Voilà notamment pourquoi les guerriers se proclameraient sans peur, exhortant à la vaillance spectaculaire, allant au-devant de la mort, ainsi du modèle héroïque antique qu’a parcouru le texte précédent.
C’est dire combien le voisin, le différent, voire l’inconscient — ces figures de l’altérité, ou de ce qui n’est pas soi — mènent vers une forme d’altérité impressionnante. Ultime.
Seconde clé: la peur de la mort ressentie, non métabolisée
et tournée vers son abolition
Une donnée universelle et fondatrice demeure: la mort fait en soi violence, quelle que soit sa manière d’advenir. La peur imparable qu’elle inspire nous fait également violence. Ce sont précisément cette peur et cette violence intrinsèques de la mort qui génèrent notre rapport à la finitude et au destin, et certes, à la mort-même. Elles sont universelles. En quoi sont-elles emmaillées à nos rapports au pouvoir?
En premier lieu, la violence qu’exerce en soi la mort serait inimaginable pour un tenant de pouvoir. En effet, plus que toute instance, pour qui « a » du pouvoir, ou en tient les rênes en s’y identifiant exclusivement, sa propre mort est impensable. (Mais attention ! « Pensable », la mort l’est un tant soit peu si l’on se réfère à la réflexion sur la dynamique essentielle entre la naissance et la mort qu’englobe le vivant. Si on la conçoit en bonne part comme un mystère qui porte sa propre loi ou comme une altérité transcendante.)
Or, deux principes de base émergent de cet impensé typique de ce qui fut démontré des rouages ordinaires du pouvoir: d’abord, la violence et la peur et même, la peur de la violence, lorsqu’elles ne sont pas touchées, trouvent des dérivatifs. Ceux-ci traduisent et expriment cette violence intenable pour tout dominant dictatorial en les reproduisant sur le mode du même, c’est-à-dire à l’aveugle. C’est ce qui peut aider à comprendre le caractère devenu sordide et exponentiel de la violence perpétrée à l’égard des autres.
Mais il y a plus: en deuxième principe, cette fois à la frange de l’impensé, mais bien logé dans la vie fantasmatique, il y aurait en chacun une archaïque vessie imaginaire qui se prendrait pour une lanterne: l’imaginaire de l’illimitation. (Elle n’équivaut pas au caractère illimité des imaginaires, autre histoire.) Lorsque la mort est confusément ressentie comme un obstacle coercitif à toute expansion de la mainmise des fragiles tenants des pouvoirs, que se passe-t-il? La peur de la mort rhyzome. D’abord impensée, son sens est rogné puisqu’il réfute la limite absolue de la mort. La peur monte d’autant. Or, en combinant violence et refus de la limite, la peur de la mort basculerait en un féroce moteur quasi illimité. En quoi?
Dans la mesure où l’on reçoit la mort exclusivement comme violence à notre fantasme d’illimité, les niveaux de domination de la machine du pouvoir, inventoriés plus haut, s’excèdent. Ainsi, en ressentant la violence et la peur de la mort, en les déniant et du même coup en ne les métabolisant pas, survient l’acte-réflexe, ce symptôme d’impensé. Ou encore le passage à l’acte, déjà évoqué.
Essentiellement, apeurer l’autre, voire le terroriser permet d’externaliser ou de déporter hors de soi une peur taraudante. Autrement dit, la provocation délibérée de la peur, peur de la vie et peur de la mort, vient affirmer la force de ce fantasme d’omnipotence et le renforce. Les mises en scène somptuaires en témoignent notamment.
Dans la foulée, hallucinée de cette force, la soif d’emprise non jugulée de ces êtres devenus ultra-dominants justifie les « relâchements » de tous ordres. Bien plus, elle légitime leur riposte à toute contrainte qu’eux, rencontrent. Ils n’hésitent pas alors à recourir à la violence mortifère, d’abord symbolique, en humiliant les autres ou en éteignant leur volonté. Par suite, l’exorcisme de la peur connaît ses figures les plus immédiatement délétères lorsque les tenants de pouvoir s’arrogent le droit de vie ou de mort sur quiconque, on l’a vu, contrecarre le dessein du Chef.
Mais les manifestations de l’exorcisme de la peur empruntent aussi des chemins plus sinueux. Cette peur déniée alimente d’autant plus les tenants du pouvoir intransigeants estiment qu’en venir à le perdre équivaudrait à perdre la vie. En cela, le terreau est riche pour appuyer sur le désir de pérennité de tout groupe, conditionné en outre par les arguments plausibles de la Patrie et de la Liberté, voire d’un retour à un supposé Éden.
Dans l’imaginaire comme dans la pratique, le chef se porte garant de cette pérennité si bien légitimée en un appel d’absolu unidimensionnel qui masque d’autres projets moins grandioses, tapis dans l’inconscient: en autorisant l’écrasement, voire l’anéantissement de l’autre, étranger ou dissident, il nourrit le fantasme de tuer la part sombre de lui-même, d’où son insistance sur la gloire totale et pérenne. Et si, d’aventure, il conçoit l’étendue de son pouvoir comme synonyme du groupe, du type « l’État, c’est moi », le pouvoir asphyxiant s’incruste.
Autrement dit, le passage à l’acte lui permet de projeter sur l’autre sa propre peur. Mais le dominant peut aussi atténuer sa brutalité en utilisant l’argument de la survie du groupe pour justifier la torture, plus ou moins « raffinée », et la peine de mort, ces deux mesures classiques dont le principe est repris dans la soumission pharmacochimique, voire dans les camps de rééducation. Pour ne rien dire du viol comme arme de destruction physique et psychique, des êtres — principalement pratiqué sur les femmes — et du lignage.
En deuxième lieu, au chapitre des manières de composer avec la mort, qui advient tout de même? En admettant que le principe de réalité se fraie une voie étroite, les dominants devront bien articuler une défense plus raisonnée devant, non pas tant leur peur qu’en raffinant les formes de déni du pouvoir de la mort, mais toujours à leur bénéfice. N’oublions pas que les modes de défense ici inventoriés ne se savent pas tels, ce qui n’empêche leur efficacité.
Ainsi, commemodalité discursive privilégiée, la logique de domination multiplie les échappatoires explicables par cette peur non touchée en nourrissant sa propre idéologie mystifiante sur le destin et sur la fin.
« La mort, pour [les tenants de] le pouvoir, est une réalité obscène, scandaleuse ou dangereuse. Est obscène au regard du pouvoir tout ce qui échappe à sa juridiction; or, la mort est bien la grande inconnue. On ne peut avoir de prise sur elle qu’en la scientificisant, à moins que ne l’utilise comme menace ou sanction [on l’a vu et on y revient sous peu]. Est scandaleux au regard du pouvoir ce qui affecte le mode de l’unique et de l’insubstituable sur le plan du vécu. Or, aucune mort ne ressemble à une autre (…), elle est “hors catégorie”. Aussi, le pouvoir qui ne pense qu’en termes abstraits et généraux, rejette la mort individualisante, à moins qu’elle ne se situe sur le plan de l’exemplarité, comme la peine de mort ou le sacrifice du héros. Enfin, est dangereux au regard du pouvoir, ce qui égalise. Or, le berger et le roi sont pareillement démunis devant la mort. C’est pourquoi le pouvoir, [dé]niant la mort, réintroduit l’inégalité avant, pendant et après le mourir20. »
Des dominants de haut niveau jusqu’aux paliers d’administration sur rue, que se passe-t-il? Si l’on se scandalise devant les ignominies des régnants auto-déclarés et même adoubés comme « suprêmes », il est plus ardu de cerner les abus de pouvoir des petits chefs — ces intermédiaires dans un organigramme parfois alambiqué. Comme sans doute les lecteurs commencent à en avoir une idée plus précise, il arrive que la dynamique de la peur de la mort, lorsqu’elle est déniée, travestie ou pervertie, percole dans les rapports sociaux. En cela, ce qui vaut pour les manipulateurs du pouvoir ne leur est pas exclusif et il importe de le garder à l’esprit. Voici en quoi.
L’extrait le soulignait à l’instant, les tenants de pouvoir de tout acabit s’attribuent les coudées franches pour ignorer la mort, en soi et dans les conséquences de leurs décisions, pour faire comme si elle n’existait pas, ou encore pour la minoriser, la banaliser ou à l’autre extrême, la dramatiser. Le refus de l’altérité, en cherchant à modeler l’autre sur soi, opère alors à plein. Mais comme la mort persiste, cela ne suffit pas.
Toujours au profit du fantasme d’a-mortalité, il faut en récupérer le mystère et la force dans les idéologies relatives à l’évènement: les modèles du mourir contrôlé en sont une bonne illustration. Et d’évidence, les paris sur la durée à l’étape terminale de l’existence, soit en la prolongeant artificiellement de manière indue, soit en en devançant le terme.
Outre ces actualisations, les circuits de cette récupération existent depuis des époques lointaines dans les dogmes religieux et les mainmises des élites civiles. Ils se déclinent sur plusieurs théâtres modernes: les multinationales du funéraire n’en ont pas le monopole, alors que prolifèrent sur un autre registre les industries du spectacle morbide, de la guerre et du crime. Sans compter les laboratoires des proclamations déiques transhumanistes.
De cette manière, les tenants de pouvoir, ignorant leur propre peur, mais tenus à la gorge, nous la transmettent. Notre peur est donc amplifiée et mute en angoisse, rehaussant notre aliénation à leur endroit. En quoi?
En troisième lieu, ce mouvement contrôlant l’occurrence de la mort n’imbibe pas uniquement les situations de mortalité ou le donner à mourir ou encore, l’expansion fantasmée des biographies: le contrôle glisse dans la conduite même de nos existences. « L’acharnement des hommes à conquérir une parcelle de pouvoir financier ou politique ne s’explique pas seulement par le souci du confort ou la fascination du prestige, mais plutôt par le besoin impérieux d’accumuler la vie, donc d’éloigner la mort21. »
Ce besoin d’accumulation, d’argent, de biens et de prestige peut néanmoins, à l’occasion, se déporter vers le partage et le soutien de talents divers.
Toutefois, le rouage resserre le plus souvent son emprise, déguisant les prédateurs en démagogues-simulateurs qui rassurent gentiment leurs collatéraux. L’accumulation de ce type de valeurs implique un calcul certain et, afin d’en valider l’effort, exige l’exhibition. Si celle-ci s’enferre dans la mono identification, il arrive forcément aux quidams ce qui se passe pour les grands tortionnaires: leur arrogance dans ladévoration de savoir et de pouvoir s’avère illusoire, puisque toujours, au bout du compte, savoir et pouvoir se révèlent limités. Nous vivons dans un monde bien trop complexe pour que ces ambitions ne soient pas désajustées, à la limite du délire, et cet ensemble, ignoré d’autant, tout comme la mort. À ce titre, il n’est pas rare que les omnipotences, déchues, aboutissent à la potence22.
Or, même gratifiante au présent, cette désinvolture avide des quidams peut devenir dérisoire à long terme: le cynisme, la résignation, le repli sur soi ou sur ses clans référentiels en témoignent. L’épuisement aussi.
Bilan? Ainsi croyons-nous conjurer non seulement la peur, mais ce qui est devenu angoisse de mort dans un cycle qui s’emballe à la limite du dégoût de vivre. À moins que…
La conscience de la mort comme axe d’une spirale bleue :
l’imaginaire du geste créateur
La force de la présence de la mort n’est pas toujours écrasée, dévoyée ou éteinte. Bien au contraire, sa conscience est, comme on le sait, source de puissance éprise d’une liberté qui ne se clame pas forcément, même si elle est relayée en interstices de résistance dans maints réseaux.
C’est qu’un travail psychique assidu est nécessaire pour nous hisser au-dessus d’un accablement quotidien barbotant dans une fin impensée et imposée qui ignore les moyens mortifères auxquels elle nous contraint. C’est dans le tissu de l’existence que, en solitude comme en inter-écoute les uns des autres, nos micro-pouvoirs renforcent le désir d’avancer lucidement au lieu de se préoccuper de flatter les égos: nos oppositions à la part subtile ou monstrueuse du pouvoir délétère, notre capacité à instaurer un lien social qui ne craint ni les turbulences, ni les contradictions, mais se réjouit des connivences. Les occasions ne manquent pas dans l’inédit — ce Kairos des anciens Grecs — qui ébranle notre civilisation. Certes, cet inédit « découle surtout du cumul des changements et de l’expansion de chacun des mondes qui en découlent. (…) [Mais] l’histoire à venir pourrait commencer par un changement de main23. » À favoriser. À suivre.
Revenons pour terminer à un détail de l’illustration d’ouverture. Le Pierrot polychrome du carrousel serait un saltimbanque qui alterne entre les lois de la gravité et celles de la légèreté. Mieux, il les combine. Ainsi, il tente de saisir une sphère toute bleue. Craindrait-il de l’échapper, ou de la faire éclater? Hésiterait-il sur la trajectoire qu’il voudrait lui imprimer? Or, si peu dans le fléchissement de son corps vers elle indique qu’il y renoncerait.
Et à nous qui affrontons lucidement la réalité, ce deuil-là, ce renoncement à notre puissance symbolique, il ne nous est pas demandé de « le faire ».
Les coloris de cette puissance nous attendent. Nul besoin d’oriflammes, notre geste concerté avec le corps de l’autre est lorgnette vers un large télescope. Si désir il y a, dans le bleu... comme la terre rendue telle de l’atmosphère.
© 2025 Luce Des Aulniers, professeure-chercheure
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Notes (Les remarques intra citations sont de LDA, sauf indication contraire.)
- FORRESTER, Viviane (1980). La violence du calme, Paris, Seuil, 217 p., p. 31. ET «Les médias s’en [les iniquités] chargent tous les jours, nous indignent, m’indignent. Mais leur langue (la langue) est telle qu’elle ravale ce qu’elle prétend véhiculer et ne transmet d’information qu’un ordre: celui de rester calme, et nous le demeurons, et pourtant on torture. », p. 212.
- ENRIQUEZ, Eugène (2007). Clinique du pouvoir. Les figures du maître, Ramonville Saint-Agne, Érès, 238 p., p. 87. Document-phare pour explorer les ressorts historiques et psychiques des questions ici abordées.
- BAUDRILLARD, Jean (1979). De la séduction. L’horizon sacré des apparences, Paris, Galilée, 245 p., p 17.
- HARRUS-RÉVIDI, Gisèle (2001). Parents immatures et enfants adultes, Paris, Payot, 2001, 370 p., p. 172.
- https://youtu.be/8HMrHE-ax0M?si=gt4bWiScGQZC4Yyr. « Même au cœur du chaos », me signale Valentina VLASSOVA, précieuse collaboratrice que je remercie aussi pour cette référence.
- FOUCAULT, Michel (1976). La volonté de savoir, Histoire de la sexualité 1, Paris, Gallimard, 213 p., p. 122.
- Processus visant une capacité renforcée de résister à des situations d’injustice et de comprendre les dynamiques contribuant à l’impuissance des acteurs sociaux. Souvent utilisée à propos de motivation ou d’estime de soi, la capacitation impliquerait en sus une dimension politique d’action collective renouvelée.
- DES AULNIERS, Luce (2009). La fascination. Nouveau désir d’éternité, Québec, PUQ, 417 p.
- Louis ALTHUSSER cité dans BIDAUD, Anne-Marie (1994). Hollywood et le rêve américain. Cinéma et idéologie aux États-Unis, Paris, Masson, 248 p., p.13.
- MORIN, Edgar. Parmi ses nombreux propos sur ce thème, celui-ci: « Les esprits d’une communauté sécrètent des idéologies ou visions du monde, comme elles sécrètent des dieux, qui alors prennent une réalité formidable et supérieure. (...) L’idéologie ou la croyance religieuse, en masquant le réel, devient pour l’esprit fanatique le vrai réel. » « Éduquer à la paix pour résister à l’esprit de guerre », Lemonde.fr, 0.02.2016
- BAUDRILLARD, J. in BAUDRILLARD, Jean, MORIN, Edgar (2003). La violence du monde, Paris, du Félin et Institut du monde arabe, 91 p., p. 17-18.
- THOMAS, Louis-Vincent (1978). Mort et pouvoir, Paris, Payot, 215 p., p. 51. Ouvrage majeur d’enseignement couvrant de manière approfondie les nombreux thèmes concernés.
- À partir du 1984, de Georges ORWELL (2002 [1949]). Trad., Paris, Gallimard, 425 p. Notamment, sa notion de « novlangue », dont l’objectif est de rendre impossibles des modes de pensée autres que le langage ou plutôt le jargon managérial, pragmatique, passe-partout et consensuel. Dédifférenciant. On y reviendra.
- TZU (ZI), Sun, L’Art de la guerre (1993 [4e-5e siècle ante, trad. 1772). Paris, Press Pocket, 151 p. La stratégie militaire vise selon lui l’anéantissement des forces armées adverses et est liée à une analyse politique dictée par la paix et donc par la contenance des conflits. La guerre psychologique analysée mise sur les faiblesses de l’autre. Ce traité est utilisé par les stratèges des guerres économiques actuelles, sur tous continents.
- Les Sumériens, en Mésopotamie (Irak) en fournissent des traces, déjà quatre siècles avant notre ère.
- GRAEBER, David, WENGROW, David (2021). Au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanité (trad. de l’anglais), Paris, Les Liens qui libèrent, 745 p.
- FREUD, Sigmund (1915). Considération actuelle sur la guerre et la mort, Reprise intégrale de trois textes et commentaires in CRÉPON, Marc, DE LAUNAY, Marc (2010). Sigmund FREUD. Anthropologie de la guerre, Paris, Fayard, 316 p., p. 220.
- Voir les essais de: VACQUIN, Monette, psychanalyste aux abords de l’éthique politique et de la littérature; DUFOUR, Robert-Daniel, philosophe en rencontre de la littérature, de la psychanalyse et de l’anthropologie; LEBRUN, Jean-Pierre, psychiatre, versé dans les rapports éducatifs et l’analyse des langages. Etc.
- HENRY, Michel (1987). La barbarie, Paris, P.U.F., Grands textes, 247 p., p. 9.
- THOMAS, Louis-Vincent, op. cit., p. 54-55.
- Ibid., p. 134.
- Parmi trop de despotes, quelques morts « punitives »: B. MUSSOLINI (1945, tribunal populaire italien), N. CEAUCESCU (1989, tribunal populaire roumain), L.D. KABILA (2001, par garde, République démocratique du Congo), S. HUSSEIN (2007, tribunal de coalition irakienne). M. KADHAFI (2011, rebelles libyens). Bien avant: Jules CÉSAR (44 ante, par des sénateurs).
- BALANDIER, Georges (2012). Carrousel des apparences, Paris, Fayard, 285 p., p. 235, 238.
FORRESTER, Viviane (1980). La violence du calme, Paris, Seuil, 217 p., p. 31. ET « Les médias s’en [les iniquités] chargent tous les jours, nous indignent, m’indignent. Mais leur langue (la langue) est telle qu’elle ravale ce qu’elle prétend véhiculer et ne transmet d’information qu’un ordre: celui de rester calme, et nous le demeurons, et pourtant on torture. », p. 212.
ENRIQUEZ, Eugène (2007). Clinique du pouvoir. Les figures du maître, Ramonville Saint-Agne, Érès, 238 p., p. 87. Document-phare pour explorer les ressorts historiques et psychiques des questions ici abordées.
BAUDRILLARD, Jean (1979). De la séduction. L’horizon sacré des apparences, Paris, Galilée, 245 p., p 17.
HARRUS-RÉVIDI, Gisèle (2001). Parents immatures et enfants adultes, Paris, Payot, 2001, 370 p., p. 172.
https://youtu.be/8HMrHE-ax0M?si=gt4bWiScGQZC4Yyr. « Même au cœur du chaos », me signale Valentina VLASSOVA, précieuse collaboratrice que je remercie aussi pour cette référence.
FOUCAULT, Michel (1976). La volonté de savoir, Histoire de la sexualité 1, Paris, Gallimard, 213 p., p. 122.
Processus visant une capacité renforcée de résister à des situations d’injustice et de comprendre les dynamiques contribuant à l’impuissance des acteurs sociaux. Souvent utilisée à propos de motivation ou d’estime de soi, la capacitation impliquerait en sus une dimension politique d’action collective renouvelée.
DES AULNIERS, Luce (2009). La fascination. Nouveau désir d’éternité, Québec, PUQ, 417 p.
Louis ALTHUSSER cité dans BIDAUD, Anne-Marie (1994). Hollywood et le rêve américain. Cinéma et idéologie aux États-Unis, Paris, Masson, 248 p., p.13.
MORIN, Edgar. Parmi ses nombreux propos sur ce thème, celui-ci: « Les esprits d’une communauté sécrètent des idéologies ou visions du monde, comme elles sécrètent des dieux, qui alors prennent une réalité formidable et supérieure. (...) L’idéologie ou la croyance religieuse, en masquant le réel, devient pour l’esprit fanatique le vrai réel. » « Éduquer à la paix pour résister à l’esprit de guerre », Lemonde.fr, 0.02.2016
BAUDRILLARD, J. in BAUDRILLARD, Jean, MORIN, Edgar (2003). La violence du monde, Paris, du Félin et Institut du monde arabe, 91 p., p. 17-18.
THOMAS, Louis-Vincent (1978). Mort et pouvoir, Paris, Payot, 215 p., p. 51. Ouvrage majeur d’enseignement couvrant de manière approfondie les nombreux thèmes concernés.
À partir du 1984, de Georges ORWELL (2002 [1949]). Trad., Paris, Gallimard, 425 p. Notamment, sa notion de « novlangue », dont l’objectif est de rendre impossibles des modes de pensée autres que le langage ou plutôt le jargon managérial, pragmatique, passe-partout et consensuel. Dédifférenciant. On y reviendra.
TZU (ZI), Sun, L’Art de la guerre (1993 [4e-5e siècle ante, trad. 1772). Paris, Press Pocket, 151 p. La stratégie militaire vise selon lui l’anéantissement des forces armées adverses et est liée à une analyse politique dictée par la paix et donc par la contenance des conflits. La guerre psychologique analysée mise sur les faiblesses de l’autre. Ce traité est utilisé par les stratèges des guerres économiques actuelles, sur tous continents.
Les Sumériens, en Mésopotamie (Irak) en fournissent des traces, déjà quatre siècles avant notre ère.
GRAEBER, David, WENGROW, David (2021). Au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanité (trad. de l’anglais), Paris, Les Liens qui libèrent, 745 p.
FREUD, Sigmund (1915). Considération actuelle sur la guerre et la mort, Reprise intégrale de trois textes et commentaires in CRÉPON, Marc, DE LAUNAY, Marc (2010). Sigmund FREUD. Anthropologie de la guerre, Paris, Fayard, 316 p., p. 220.
Voir les essais de: VACQUIN, Monette, psychanalyste aux abords de l’éthique politique et de la littérature; DUFOUR, Robert-Daniel, philosophe en rencontre de la littérature, de la psychanalyse et de l’anthropologie; LEBRUN, Jean-Pierre, psychiatre, versé dans les rapports éducatifs et l’analyse des langages. Etc.
HENRY, Michel (1987). La barbarie, Paris, P.U.F., Grands textes, 247 p., p. 9.
THOMAS, Louis-Vincent, op. cit., p. 54-55.
Ibid., p. 134.
Parmi trop de despotes, quelques morts « punitives »: B. MUSSOLINI (1945, tribunal populaire italien), N. CEAUCESCU (1989, tribunal populaire roumain), L.D. KABILA (2001, par garde, République démocratique du Congo), S. HUSSEIN (2007, tribunal de coalition irakienne). M. KADHAFI (2011, rebelles libyens). Bien avant: Jules CÉSAR (44 ante, par des sénateurs).
BALANDIER, Georges (2012). Carrousel des apparences, Paris, Fayard, 285 p., p. 235, 238.